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Le monde a reçu ses lois : à chaque être il a donné des armes et l’instinct de la conservation. Ainsi l’on voit le jeune taureau menacer déjà, quoique son front ne soit pas encore armé de cornes. Ainsi le daim fuit, le lion se défend par sa force, le chien avec ses dents, le scorpion avec l’aiguillon de sa queue ; l’oiseau léger ouvre ses ailes et s’envole.

Sans connaître la mort, tous la craignent ; tous pressentent leur ennemi, et, pour lui échapper, devinent quelles armes leur a données la nature, et comment ils doivent s’en servir. Ainsi le scare, une fois tombé dans la nasse qu’a tendue sous les eaux l’art du pêcheur, redoute enfin l’amorce trompeuse où il s’est laissé prendre. Ce n’est pas en s’avançant la tête la première qu’il cherche à sortir de sa prison ; mais, reculant sur lui-même, il l’élargit, par les battements de sa queue, se glisse par l’ouverture qu’elle a faite, et retrouve dans les flots sa liberté. Si, tandis qu’il lutte pour s’échapper de cette manière, un autre scare l’aperçoit, il le tire à lui par la queue, seconde ses efforts, et hâte son évasion.

Si la seiche, lente à fuir, et surprise au milieu des eaux, voit approcher la main avide qu’elle redoute, elle vomit aussitôt, pour troubler la limpidité de l’onde, une liqueur noire qui cache sa fuite et trompe les regards qui cherchent à la suivre. Le loup, pris dans un filet, parvient, malgré sa grosseur et son poids, à écarter le sable avec sa queue, s’y tient caché, puis s’élance, et d’un bond déjoue les ruses du pêcheur.

Quant à la fière murène, comptant sur la force de son dos glissant, elle se joue, grâce à sa souplesse, des mailles impuissantes du filet