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Aime qui voudra une complaisance sans bornes ; elle m’est à charge. Je fuis ce qui s’attache à mes pas, et je m’attache aux pas de ce qui me fuit.

Toi donc qui es si tranquille sur la fidélité, ta belle compagne, commence aujourd’hui à fermer ta maison dès la chute du jour, commence à demander qui vient tant de fois frapper furtivement au seuil de ta porte ; ce qui fait aboyer tes chiens, dans le silence de la nuit ; quels sont les billets que porte et rapporte une adroite servante, et pourquoi ta femme te refuse si souvent la moitié de sa couche ; laisse enfin les soucis rongeurs pénétrer parfois jusqu’à la moelle de tes os, et donne-moi sujet d’avoir recours à la ruse.

Celui-là est l’ait pour voler le sable des rivages déserts, qui peut aimer la femme d’un sot. Et déjà, je t’en préviens, si tu ne commences à surveiller la tienne, elle ne tardera pas à cesser d’être ma maîtresse. J’ai beaucoup, j’ai longtemps souffert ; j’espérais qu’un temps viendrait où, gardien plus vigilant, tu me rendrais aussi plus rusé. Mais tu demeures tranquille, et tu souffres ce que ne souffrirait aucun mari. Eh bien ! c’est moi qui mettrai fin à un amour que tu permets. Malheureux ! je ne me verrai donc jamais interdire l’entrée de ta demeure ! Je n’aurai donc jamais, pendant mes nuits, un bras vengeur à redouter ! Quoi ! je n’aurai rien à craindre ! Je ne pousserai pas un soupir d’effroi dans mon sommeil ! Quoi ! tu ne feras rien pour que je désire ta mort ! Qu’ai-je besoin d’un mari complaisant, d’un mari qui prostitue sa femme ? Ta coupable indifférence empoisonne mes plaisirs ; que n’en cherches-tu un autre qui s’accommode d’une aussi grande patience ? Si tu veux que je sois ton rival, défends-moi de l’être.


Notes