Page:Ovide - Œuvres complètes, Nisard, 1850.djvu/58

Cette page n’a pas encore été corrigée

nomme l’épouse d’Hercule, et que mon beau-père est le dieu qui fait gronder le tonnerre du haut de son char rapide. Autant deux jeunes bœufs de taille inégale vont mal à la charrue qu’ils traînent, autant une épouse inférieure à son époux est écrasée par sa gloire. Ce n’est pas un honneur, mais un fardeau, un masque fait pour blesser ceux qui le portent. Si vous voulez qu’une union vous puisse convenir, unissez-vous à votre pareil. Mon époux est toujours loin de moi. Il m’est plus connu comme hôte que comme époux. Il est sans cesse à la poursuite des monstres et d’animaux terribles. Veuve dans mon palais, j’y forme de chastes vœux, et je tremble que mon époux ne tombe sous les coups d’un cruel ennemi. Je me représente des serpents, des sangliers, des lions avides, je vois des chiens prêts à se disputer tes os. Les fibres des victimes, les vains fantômes d’un songe, et les mystérieux présages de la nuit, tout m’épouvante. J’épie, dans mon malheur, les bruits d’une vague renommée. La crainte, dans mon cœur incertain, fait place à l’espoir, et l’espoir à la crainte. Ta mère est absente, et gémit d’avoir plu à un dieu puissant. Ton père Amphitryon, Hyllus, notre enfant, sont loin de ces lieux. Eurysthée, ministre des vengeances de la cruelle Junon, me poursuit, ainsi que l’implacable courroux de la déesse.

C’est peu de ces tourments. Tu y ajoutes tes amours étrangères. Par toi, toute femme peut devenir mère. Je ne rappellerai ni Augé, violée dans les vallons du Parthénus ni ton enfantement, ô nymphe, fille d’Urménus. Je ne te reprocherai pas cette troupe de sœurs, petites filles de Theutra, peuple de femmes, dont aucune ne fut dédaignée de toi. Je rappellerai une adultère dont le crime est récent. Par elle, je suis devenue belle-mère du Lydien Lamas[1]. Le Méandre, qui s’égare tant de fois dans les mêmes contrées, qui replie souvent sur lui-même ses ondes fatiguées, a vu des colliers suspendus au cou d’Hercule, à ce cou pour lequel le ciel fut un fardeau léger. Il n’a pas eu honte d’enchaîner dans des liens d’or ses bras robustes, et de couvrir de pierreries ses doigts nerveux. Sous ces bras cependant expira le monstre de Némée. Sa dépouille recouvre-t-elle encore ton épaule gauche ? Tu n’as pas craint de cacher sous une coiffure recherchée tes cheveux hérissés. Le blanc peuplier ornait bien mieux le front d’Hercule. Tu n’as pas rougi en ceignant la ceinture méonienne, à la manière d’une jeune fille lascive. As-tu oublié l’aspect terrible du féroce Diomède, qui nourrissait ses cavales de chair humaine ? Si Busiris t’eût vu sous cette parure, le vaincu n’eût-il point rougi du vainqueur ? Antée arracherait ces ornements du cou vigoureux qui les porte, pour n’avoir pas la honte d’être tombé sous un homme efféminé.

On dit que, parmi les jeunes filles de l’Ionie, tu as

  1. Fils d’Hercule et d’Omphale.