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touche, Oreste, soutiens tes droits d’un bras que rien n’intimide. Eh quoi ! si quelqu’un enlevait tes troupeaux enfermés dans leurs étables, ne prendrais-tu pas les armes ? On te ravit ton épouse, pourrais-tu différer ta vengeance ? Que l’exemple de ton beau-père te serve. Il réclama sa fiancée qu’on lui avait enlevée, et une jeune fille fut pour lui un motif légitime de guerre. Si ton beau-père s’était lâchement reposé dans sa cour déserte, ma mère serait encore l’épouse de Pâris, comme elle le fut auparavant. Tu n’as à rassembler ni des milliers de vaisseaux, ni leurs voiles flottantes, ni des armées de soldats grecs. Viens toi-même. Toutefois c’était ainsi que tu devais me redemander. Un époux ne peut rougir d’affronter les périls de la guerre pour une union qui lui est chère. N’avons-nous donc pas pour aïeul Atrée, fils de Pélops ? Et si déjà tu n’étais pas mon époux, ne serais-tu pas mon frère ? Époux, prends, je t’en conjure, la défense de ton épouse. Frère, prends celle de ta sœur. Ce double nom te trace ton devoir.

Tyndare, dont les vertus et l’âge donnent à ce qu’il fait une grave autorité, m’a livrée à toi. Un aïeul avait ce droit sur sa petite-fille. Mais si mon père, ignorant cet engagement, m’a promise au fils d’Éaque, mon aïeul, dont le choix a précédé le sien, pouvait aussi plus que lui. Lorsque je t’épousai, mon hymen ne nuisit à personne. Si l’on m’unit à Pyrrhus, on te fait une offense. D’ailleurs, Ménélas, mon père, nous pardonnera notre amour. Lui-même succomba sous les traits du dieu ailé ! L’amour qu’il s’est permis, il le permettra à son gendre. Celui qu’il eut pour ma mère sera un exemple utile. Ce qu’il fut pour ma mère, tu l’es pour moi. Le rôle que joua autrefois l’étranger Dardanien, Pyrrhus le joue maintenant. Que les hauts faits de son père, vantés sans cesse, le rendent superbe. Tu as aussi les exploits d’un père à citer. Le petit-fils de Tantale commandait à tous, à Achille lui-même. L’un faisait partie de l’armée, l’autre était le chef des chefs. Tu as aussi pour bisaïeul Pélops et le père de Pélops, et en comptant mieux encore, tu es le cinquième descendant de Jupiter.

Ce n’est pas non plus le courage qui te manque. Tes armes t’ont servi dans une circonstance odieuse, mais que pouvais-tu faire ? Un père armait ton bras. J’aurais voulu que ta valeur eût eu un objet plus noble. Tu n’as pas choisi cette cause, mais on te l’a imposée comme un devoir. Tu l’as rempli toutefois, tu as ouvert le flanc d’Égisthe, et il a ensanglanté le même palais que ton père. Pyrrhus t’en fait un crime. Ta gloire, il l’appelle un forfait, et cependant il soutient mes regards. J’éclate en sanglots, mon visage et mon cœur se gonflent, et un feu intérieur embrase ma poitrine brûlante. Adresser, devant Hermione, un reproche à Oreste ! Et je suis sans forces, et je n’ai pas un