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LIVRE QUINZIÈME


ARGUMENT. — I. Fondation de Crotone. — II. Système des transformations ; Pythagore l’enseigne à Numa. — III. Hippolyte devient le dieu Virbius ; la nymphe Égérie changée en fontaine. — IV. Tagès né d’une motte de terre. — V. La lance de Romulus changée en arbre. — VI. Cipus se voit des cornes. — VII. Peste du Latium ; Esculape accompagne les Romains sous la forme d’un serpent. — VIII. Jules-César changé en étoile ; éloge d’Auguste.


I. Après Romulus, qui pourra soutenir le terrible fardeau de l’empire ? Qui sera digne de succéder à un tel roi ? La voix publique, oracle de la vérité, désigne un nom illustre, celui de Numa.

Ce n’est pas assez pour Numa de connaître les institutions des Sabins : sa vaste intelligence embrasse une plus grande étude, et son génie veut pénétrer la nature et les principes de toutes choses. Cette soif de science l’avait fait sortir de Cures, sa patrie ; et de longs voyages l’avaient amené jusque dans les murs de Crotone. Il voulut savoir qui était venu fonder cette ville grecque sur les rivages de l’Italie ; et un des anciens habitants du pays, souvenir vivant du vieil âge, lui conta cette histoire : « Après avoir enlevé les riches troupeaux de Géryon, roi des Ibères, Hercule, poussé par un vent favorable, vint aborder, dit-on, au promontoire Lacinien. Pendant que ses grands bœufs erraient dans de gras pâturages, le héros fut accueilli sous le toit hospitalier de Croton, et s’y reposa de ses longues fatigues. Au moment de partir : « Nos neveux, dit-il, verront une ville dans ces lieux. » Et sa promesse fut accomplie. Longtemps après, vivait dans Argos Myscélus, fils d’Alémon, l’homme alors le plus cher et le plus agréable aux dieux. Une nuit, plongé dans un profond sommeil, il vit Hercule, penché sur son visage : « Lève-toi, disait-il, abandonne ta patrie, et va chercher les bords lointains de l’Æsar, au lit semé de cailloux(1). » Et le dieu ajouta de terribles menaces, s’il refusait d’obéir. Hercule disparaît et le sommeil avec lui : Myscélus se lève ; il repasse en lui-même, tout rêveur, les circonstances de sa vision, et il reste en proie à une pénible anxiété. Un dieu lui ordonne de partir, et les lois le lui défendent : tout citoyen qui veut s’expatrier est puni de mort. Dès que le soleil radieux a caché sa tête brillante sous les flots de l’Océan, et que la sombre nuit lève la sienne, couronnée d’étoiles, le dieu apparaît encore à Myscélus, et renouvelle ses ordres, avec des