Page:Ovide - Œuvres complètes, Nisard, 1850.djvu/488

Cette page a été validée par deux contributeurs.

lui avait donné ce jeune guerrier comme un otage et comme un gage de paix. De loin, Pélée l’aperçoit mutilé par cette horrible blessure : « Ah ! s’écrie-t-il, Crantor ! ô toi, jeune guerrier qui m’étais plus cher que tout autre, sois vengé par ma main ! » Il dit, et son bras vigoureux lance un javelot contre Démoléon ; la colère ajoute encore à sa force : le trait brise les os qui défendent les flancs du centaure, et s’y arrête en tremblant. Démoléon arrache avec peine le bois de la lance ; mais le fer ne suit pas, il reste plongé dans le poumon. La douleur a rendu le Centaure furieux ; il se dresse, et de ses pieds de cheval, frappe à coups redoublés son vainqueur. Pélée reçoit ces coups sur son casque et sur son bouclier qui retentit ; il protège ses épaules, en opposant à l’ennemi le bouclier qu’il tient d’une main sûre, et perce d’un même coup la double poitrine du monstre. Déjà il avait abattu de loin Phlégréon et Hylès, de près Hiphinoüs et Clanis. Comme eux, Dorylas est renversé ; il couvrait sa tête d’une peau de loup, et, au lieu de javelots, il balançait deux cornes de taureau déjà rougies de sang. « Tu vas voir, lui dis-je (car la colère doublait mes forces), tu vas voir si tes cornes ne le cèdent pas à mon fer. » Je dis, et je lance mon javelot. Comme il ne pouvait l’éviter, il présente sa main au-devant de la blessure : sa main est clouée à son front. De toutes parts des cris s’élèvent ; Pélée, qui se trouvait près du Centaure blessé, le frappe de son glaive au milieu du ventre. Dorylas bondit furieux ; il arrache ses entrailles, il les foule aux pieds, il les déchire ; ses pieds s’embarrassent dans leurs liens fumants, et il tombe expirant.

» Dans cette mêlée terrible, ta beauté ne put te sauver, ô Cyllare. Tu étais beau, si un Centaure peut l’être ; ta barbe commençait à peine à paraître, et la couleur en était dorée ; de tes épaules une chevelure dorée descendait jusqu’au milieu de tes flancs ; une fleur de vigoureuse jeunesse brillait sur ta figure ; ton cou, tes épaules, tes mains, ta poitrine rappelaient les heureuses proportions d’un beau corps sculpté par un habile artiste ; ce qu’il avait du cheval était aussi parfait que ce qu’il avait de l’homme : donnez-lui un cou et une tête, et il sera digne de Castor(7), tant sont admirables et sa croupe et ses flancs élevés ; tout son corps est plus noir que la poix ; mais ses jambes et sa queue sont d’une éclatante blancheur. Beaucoup de jeunes filles de sa race recherchèrent son alliance : une seule put lui plaire, Hylonomé, la plus belle des filles des Centaures ; seule elle put captiver Cyllare par ses caresses, par son amour. Leurs corps sont aussi beaux que peut l’être celui d’un Centaure : l’ivoire lisse leurs blonds cheveux, qu’ils ont soin d’entremêler de roses, de violettes, de ro-