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les métamorphoses

Jupiter, et le vieux Laomédon, et Priam, qui a vu les derniers jours de Troie ; son frère fut Hector, et peut-être, si les destins ne l’avaient pas condamné dans son printemps, porterait-il un nom égal à celui d’Hector. Et cependant Hécube ne fut pas sa mère ; on dit que la fille du Granique, la nymphe Alexirhoë, lui donna le jour en secret dans les sombres forêts de l’Ida.

Ésaque haïssait les villes et le faste des cours ; il habitait les montagnes solitaires et les paisibles campagnes ; rarement il visitait Ilion et le palais de son père ; son cœur, cependant, n’était pas sauvage et inaccessible à l’amour : il poursuivit longtemps, dans les forêts, Hespérie, la fille du Cébrène. Un jour, il l’aperçoit sur la rive paternelle, qui séchait au soleil ses longs cheveux, épars sur ses épaules ; surprise, la nymphe s’enfuit, comme une biche timide fuit la dent du loup, ou comme la canne aquatique fuit les serres du vautour qui l’a surprise loin de l’étang qu’elle habite ; le héros troyen poursuit la nymphe ; l’amour le rend plus léger, la crainte la rend plus rapide.

Tout à coup, caché sous l’herbe, un serpent mord le pied de la nymphe ; la dent aiguë laisse le poison dans sa blessure ; Hespérie cesse à la fois et de fuir et de vivre. Hors de lui, Ésaque embrasse la nymphe inanimée ; il s’écrie : « Pourquoi, malheureux ! pourquoi t’ai-je poursuivie ? Pouvais-je le prévoir ? Aurais-je voulu vaincre à ce prix ? Infortunée ! nous avons conspiré pour te donner la mort, ce serpent par sa morsure, et moi par ma poursuite. Ah ! que je sois plus cruel que ce reptile, si je ne venge ta mort par la mienne. »

Il dit, et d’un rocher qu’a miné la vague sonore, il se précipite dans les flots. Touchée de compassion, Téthys adoucit sa chute, le couvre de plumes, et lui refuse cette mort qu’il désire. Le malheureux s’indigne d’être forcé de vivre, et son âme cherche en vain à s’échapper de sa demeure ; il s’élève sur ses ailes nouvelles, et s’élance de nouveau dans les flots ; ses plumes le soutiennent ; furieux, il se précipite sans cesse dans les ondes, et sans cesse il y cherche une mort qu’il ne trouve jamais. L’amour a causé sa maigreur ; ses jambes sont effilées, et sur un long cou, sa tête s’éloigne de son corps ; il aime l’onde, son nom vient de ce qu’il se plaît à s’y plonger.


(1) On faisait combattre dans l’arène, le matin, les animaux domestiques, le soir, les bêtes féroces étrangères

(2) « Post Gordium filius Mida regnavit, qui ab Orpheo sacrorum solemnibus initiatus, Phrygiam religionibus implevit. » (Justin, XI, 7.)

(3) C’est ainsi que doit s’entendre Berecynthius Heros. Lactance dit : « Fertur Midas esse matris magnæ filius : sic enim cum Hesiodo consentit Ovidius. »

(4) Jupiter est ainsi nommé par Homère, parce que c’est de lui seul que vient la faculté de prédire l’avenir ὁ πασῶν όμφῶν αἴτιος. Eustath. apud Homer, Il. O, 48,

(5) Apollon avait envoyé la peste aux Troyens, et Neptune avait suscité contre eux un monstre marin. L’oracle déclara que les Troyens ne seraient délivrés de ces fléaux que si Laomédon exposait sa fille Hésione au monstre marin.

(6) Phocus, fils d’Éaque et de la Néréide Psamathe, jouant un jour avec Pélée et Télamon, ses deux frères du premier lit, le palet de Télamon lui brisa la tête. Éaque apprenant que ses deux fils avaient assassiné Phocus, à l’instigation de leur mère, les condamna à un exil éternel.

(7) Céyx était fils de Lucifer.

(8) Autolycus, aïeul maternel d’Ulysse. Sisyphe le vainquit en ruse, et Autolycus lui donna sa fille Amiclée, qu’il rendit mère d’Ulysse. Hygin dit d’Autolycus la même chose qu’Ovide : « Ut quidquid surripuisset, in quamcumque effigiem vellet, transmutaretur, ex albo in nigrum, vel ex nigro in album, in cornutum ex mutilo, in mutilum ex cornuto. »

(9) Philammon, père de Thamyris, fut le second, selon le scoliaste d’Apollonius de Rhodes, qui remporta les prix de poésie et de musique aux jeux pythiques. Plutarque le compte parmi les plus anciens musiciens.

(10) Phorbas, chef des Phlégyens, fils de Lapithe et père d’Actor, s’étant saisi de toutes les avenues qui conduisaient au temple de Delphes, contraignait tous les passants à se battre avec lui, afin, disait-il, de les exercer pour les jeux Pythiens. Apollon, déguisé en athlète, l’assomma.

(11) Puérile antithèse.

(12) Voy. Virgile, Æn., I, 105 et III, 564.

(13) On croyait la dixième vague plus redoutable que les autres. Ovide Tristes II, 49.

Qui venit hic fluctus supereminet omned ;
Posterior nono est, undecimoque prior

— Lucain, (V. 672 : decimus fluctus). Silius Italicus (XIV, 122 : Borcas decimo volumine pontum expulit in terras). — La porte decumane était la porte la mieux gardée d’un camp. — Scuta decumana étaient les plus grands boucliers. — Rabelais dit une écrevisse décumane.

(14) C’était souiller un autel que de s’en approcher sans s’être purifié, après la mort d’un parent ou d’un époux.

(15) En Grec, Icélon, qui imite les figures, Phobétor, qui épouvante ; Morphée, forme ; Phantasos, qui fait imaginer. Morphée, fils du Sommeil et de la Nuit, le premier des songes et non le dieu du sommeil comme on l’a souvent dit.

(16) Ausone a dit avec une afféterie aussi ridicule ; vado ; sed sine me, quia te sine. (Épig. 103.)