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les métamorphoses

cesser de vivre, tu cesseras d’être toi-même. »

Effrayée de cette réponse prophétique, c’est dans les forêts sombres que la vierge fait sa demeure. Une foule de prétendants la poursuit de ses vœux : elle les repousse avec dureté. « Non, dit-elle, non ; pour me posséder, il faut d’abord me vaincre à la course : luttez avec moi de vitesse ; ma main, mon lit seront le prix de la victoire ; le vaincu paiera de sa tête : telle est la loi du combat. »

La loi était cruelle ; mais la beauté a tant de puissance ! cette foule d’amants ne craint pas d’en affronter la rigueur.

Hippomène était là, spectateur de cette lutte barbare. « Quoi ! dit-il, courir de si grands dangers pour une femme ! » Et, dans son cœur, il blâmait l’amour de ces jeunes insensés. Il la voit, elle a rejeté les tissus qui la couvrent ; il la voit telle que je suis, ou telle que tu paraîtrais toi-même sous la forme d’une jeune fille. Il s’étonne, et, levant les mains : « Pardonnez, s’écrie-t-il, vous que j’accusais tout à l’heure ! Ah ! je ne connaissais pas le noble prix de vos efforts. » Il s’exalte à vanter ce qu’il admire. « Pourvu qu’un de ces jeunes hommes ne la devance pas à la course ! » Il désire, il tremble, il est jaloux. « Mais pourquoi, dit-il, ne tenterais-je pas aussi les hasards du combat ? Qui m’arrête ? Osons ! le ciel même protège l’audace. »

Tandis que ces pensées occupent l’esprit d’Hippomène, la vierge s’élance et vole comme l’oiseau ; moins rapide est la flèche qui part d’un arc de Scythie, et pourtant, aux yeux du jeune Aonien, elle n’en semble que plus belle. Il l’admire plus encore ; sa légèreté même est un charme qui l’embellit. Le vent joue avec sa robe flottante, que repoussent ses pieds agiles ; avec ses cheveux, qui voltigent sur ses épaules d’ivoire ; avec la frange de sa tunique, arrêtée sous le genou qu’elle dessine ; la blancheur virginale de ses joues s’anime d’un vif incarnat ; tel, sur les blanches tentures de l’atrium, un voile de pourpre jette une ombre qui les colore.

Hippomène reste absorbé ; mais c’en est fait, l’espace est franchi, et l’orgueilleuse Atalante couronne sa tête du laurier de la victoire. Les vaincus poussent un gémissement, et se soumettent à la loi fatale.

Le sort de ces infortunés n’épouvante pas Hippomène. Il paraît dans la carrière, et, les yeux attachés sur la jeune fille : « Pourquoi, dit-il, chercher un facile renom dans un triomphe sans honneur ? Mesurons-nous ensemble ; si la Fortune me donne l’avantage, un vainqueur tel que moi ne te fera point rougir de ta défaite, car j’ai pour père Mégarée, le fils d’Onchestus ; Neptune est l’aïeul de mon père : je suis, moi, l’arrière-petit-fils du roi des eaux. Ma valeur ne le cède pas à la noblesse de ma race ; si je succombe, Hippomène vaincu assure à ta mémoire une glorieuse immortalité. »

Il dit, et la fille de Schœnée le regarde avec