parle, et la terre s’amasse et s’épaissit de plus en plus autour de ses membres ; Périmèle n’est plus qu’une île. »
VI. Achéloüs, en cessant de parler, avait laissé tous les esprits émerveillés de ces prodiges ; mais plein d’un orgueilleux mépris pour les dieux, le fils d’Ixion raille la crédulité de ses compagnons : « Ce sont des fables que vous nous contez, dit-il ; et vous prêtez aux dieux trop de pouvoir, Achéloüs, si vous croyez qu’ils puissent à leur gré retirer aux corps les formes qu’ils leur ont données. » Ces paroles impies excitent à la fois l’étonnement et le blâme universel, et, prenant le premier la parole : « Croyez-le bien, dit Lélex, dont l’âge a mûri la raison, la puissance des dieux est infinie et ne connaît pas de limites ; leur volonté, c’est leur puissance. Un récit va dissiper vos doutes. Au sommet d’un mont de Phrygie, s’élève un chêne auprès d’un tilleul, dans un enclos qu’entoure un faible mur ; j’ai vu moi-même ces lieux, lorsque Pitthée m’envoya dans les contrées où Pélops, son père, régnait autrefois. Non loin de là est un étang, terre populeuse jadis, maintenant retraite liquide des plongeons et des foulques, amis des marais. Jupiter visita ces lieux sous les traits d’un mortel : le dieu du caducée accompagna son père, après avoir déposé ses ailes. Ils vont en cent maisons demander l’hospitalité ; cent maisons se ferment devant eux ; une seule s’ouvre pour les recevoir, humble cabane couverte de chaume et de roseaux. C’est là que la pieuse Baucis, alors chargée d’ans, et Philémon, qui était du même âge, s’unirent dans leur jeunesse ; c’est là qu’ils ont vieilli ensemble. Pauvres et résignés, leur humilité avait allégé pour eux le fardeau de l’indigence. Ne cherchez dans cette demeure ni maîtres ni serviteurs : seuls ils composent toute leur maison ; chacun exécute les ordres qu’il a donnés lui-même. À peine les habitants des cieux ont-ils franchi le seuil de l’étroite demeure, en se courbant sous l’humble porte, que Philémon les invite à se reposer et leur présente des sièges que Baucis, attentive, couvre d’un rustique tapis ; elle écarte ensuite du foyer les cendres encore tièdes, et cherche à ranimer le feu de la veille en y jetant pour aliment des feuilles et de l’écorce d’arbre, qui s’enflamment au souffle haletant de son haleine ; elle y ajoute des sarments et des branches de bois sec, qu’elle arrache du toit de la cabane et rompt en morceaux ; puis elle approche de la flamme un petit vase d’airain. Pendant qu’elle dépouille de leurs feuilles les légumes cueillis par son époux dans le jardin qu’arrose une source, le vieillard détache, à l’aide d’une fourche, un morceau de lard suspendu depuis longtemps aux solives enfumées ; il en coupe une mince tranche et la plonge dans l’eau bouillante qui domptera sa crudité. Cependant, pour tromper l’ennui de l’attente et abréger le temps de ce long apprêt, ils s’entretiennent avec leurs hôtes. Il y avait une aiguière de hêtre que son anse courbée retenait pendante au clou de la muraille : remplie d’eau