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les métamorphoses

la hache fait tomber la tête musculeuse des bœufs aux cornes entrelacées de bandelettes. Jamais jour plus beau n’avait lui, dit-on, pour les enfants d’Athènes ; les grands et le peuple le célèbrent par des banquets ; et, comme le vin enfante le génie, ils entonnent ces chants : « Héroïque Thésée, Marathon t’a vu avec admiration répandre le sang du taureau de la Crète. Si le laboureur de Cromyon(29) a cessé de craindre un sanglier terrible, sa sécurité est ton ouvrage ; tes rivages d’Épidaure ont vu tomber sous tes coups le fils de Vulcain(30), armé d’une massue ; la plaine qu’arrose le Céphise a vu la mort du barbare Procruste ; Éleusis, où règne Cérès, a vu celle de Cercyon. Il n’est plus, ce Sinis qui faisait un si cruel usage de ses forces prodigieuses : son bras pouvait courber les arbres et faire plier jusqu’à terre la cime des pins, qui dispersaient au loin les membres de ses victimes. La défaite de Sciron a rendu libre le chemin qui mène aux murs d’Alcathoé, où règne Lélex ; la terre et la mer refusèrent un gîte aux os dispersés du brigand. Longtemps épars çà et là, le temps les changea, dit-on, en durs rochers, qui ont conservé le nom de Sciron. Si nous voulions compter tes exploits et tes années, leur nombre surpasse tes années. Pour toi, vaillant héros, nous formons des vœux publics en ton honneur, nous buvons à longs traits la liqueur de Bacchus. » Les applaudissements de la foule, ses prières et ses acclamations retentissent dans le palais ; il n’est aucun lieu dans la ville d’où la tristesse ne soit bannie.

VII. Toutefois (tant il est vrai qu’il n’y a point de plaisir sans mélange, et que la peine vient toujours se mêler à la joie !) Égée, en retrouvant son fils, ne goûte pas un bonheur sans alarmes. Minos fait des apprêts de guerre ; redoutable par le nombre de ses soldats et de ses vaisseaux, il l’est bien plus encore par la colère qui remplit son cœur paternel : il cherche par les armes une juste vengeance du trépas d’Androgée. Avant tout, il rassemble pour les combats de nombreux alliés, et ses flottes agiles le guident à travers les mers, partout où il peut trouver accès. Ici il gagne à sa cause Anaphe(31) et le royaume d’Astypale : Anaphe par des promesses, et le royaume d’Astypale par les armes ; puis l’humble Mycone, et les champs de Cimole, qui produisent la craie, et Cythne l’opulente, et Scyros, et l’étroite Sériphe, et Parus, célèbre par ses marbres, et Sithone, qu’Arné livra pour l’or impie exigé par son avarice. Changée en oiseau, elle aime toujours l’or ; c’est une corneille aux pieds noirs, aux ailes de même couleur. Mais Oliare, Didyme, Ténos, Andros, Gyare et Péparèthe, qui porte en abondance le fruit de l’olivier, refusèrent leur appui à la flotte du roide Crète. De ces îles, Minos vogue à gauche vers Œnopie, siège de l’empire d’Éaque ; les anciens l’appe-