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les métamorphoses


LIVRE SEPTIÈME


ARGUMENT. — I. Jason s’empare de la toison d’or, par le secours de Médée. — II. Rajeunissement d’Éson. — III. La jeunesse est rendue aux nourrices de Bacchus. — IV. Médée fait tuer Pélias par la main de ses filles. — V. Médée massacre ses enfants. — VI. Médée s’enfuit à Athènes, où elle est accueillie par Égée. — VII. Métamorphose d’Arné en chouette ; peste d’Égine ; métamorphose des fourmis en Myrmidons ; Éaque les envoie au secours d’Égée. — VIII. Céphale et Procris.


I. Déjà les descendants de Minée(1) fendaient les ondes sur le navire construit à Pagase ; déjà ils avaient vu Phinée(2) dont la vieillesse se traînait misérablement au sein d’une éternelle nuit, et les jeunes fils de Borée avaient chassé loin de la bouche du malheureux vieillard les oiseaux au visage de vierge. Guidés par l’illustre Jason, après mille hasards, ils avaient enfin touché au Phasis(3) qui roule ses eaux rapides sur un épais limon. Ils se rendent auprès du roi, et lui demandent la toison du bélier de Phryxus(4), et tandis qu’il leur apprend par combien de pénibles travaux elle doit être conquise, un feu violent s’allume dans le cœur de la fille d’Æéta : elle lutte longtemps, mais la raison ne peut triompher de son délire. « Tu résistes en vain, Médée, je ne sais quel dieu t’oppose sa puissance, dit-elle ; le sentiment étrange que j’éprouve ressemble à ce qu’on appelle l’amour, si ce n’est l’amour lui-même. D’où vient que les ordres de mon père me paraissent trop rigoureux ? Ils le sont en effet. D’où vient que je tremble pour la vie d’un homme que j’ai vu à peine une fois ? Quelle est la cause d’une si vive crainte ? Repousse, si tu le peux, de ton cœur virginal la flamme qui te dévore, malheureuse ! Ah ! si je le pouvais, il serait plus tranquille. Mais une force inconnue m’entraîne malgré moi ; l’amour me conseille ce que la raison me défend. La vertu se montre à mes yeux, je veux la suivre, et c’est au mal que je m’abandonne. Vierge du sang royal, pourquoi brûler pour un étranger ? Pourquoi rêver une couche nuptiale dans un monde lointain ? Cette contrée peut t’offrir un objet digne de ton amour ; la vie et le trépas de Jason dépendent de la volonté des dieux : mais qu’il vive, je puis former ce vœu même sans amour ; quel est en effet son crime ? Quelle femme, à moins d’être barbare, ne serait pas touchée de sa naissance, de son courage ? Quelle femme, n’eût-il pas d’autre titre à son amour, serait insensible à sa beauté ? Je ne m’en défends pas, mon cœur s’en est ému ;