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les métamorphoses

IV. Après qu’on eut raconté (j’ignore le nom du conteur) la triste aventure des pâtres de Lycie, un autre rappela celle du satire, châtié par le fils de Latone, vainqueur dans le combat de la flûte, inventée par Minerve. « Pourquoi me déchirer ? s’écriait-il. Ah ! que je me repens de mon audace ; Ah ! fallait-il que la flûte me coûtât si cher ! » Il crie, et la peau qui couvre ses membres est arrachée ; tout son corps n’est bientôt qu’une plaie, le sang coule de toutes parts, ses nerfs sont mis à nu ; on peut voir le mouvement de ses veines que la peau ne cache plus, l’œil peut compter ses entrailles et ses fibres transparentes. Les Faunes, divinités des champs et des forêts, les Satyres, ses frères, Olympe(20), déjà célèbre, et les Nymphes, mêlèrent leurs larmes à celles de tous les bergers qui font paître sur ces montagnes les brebis à l’épaisse toison, et les bœufs aux cornes menaçantes. Baignée de ces larmes, la terre fertile les reçoit dans son sein et s’en abreuve jusqu’au fond de ses entrailles. Après les avoir changées en eau, elle les ramène dans la région des airs ; elles forment un fleuve qui, sous le nom de Marsyas(21), roule les eaux les plus limpides de la Phrygie, et va, par une pente rapide, se perdre dans la mer.

V. Après ce récit le peuple revient aux malheurs dont il est le témoin ; il pleure la mort d’Amphion et celle de ses enfants. Mais l’indignation éclate contre Niobé : on dit que Pélops(22) donna seul des larmes à son sort : déchirant ses vêtements jusqu’à la poitrine, il découvrit l’ivoire de son épaule gauche. À l’époque de sa naissance, cette épaule était de chair comme la droite, et de la même couleur ; bientôt après, ses membres furent mis en lambeaux par la main de son père ; les dieux les rassemblèrent, dit-on ; ils les avaient tous retrouvés, à l’exception de celui qui tient le milieu entre la gorge et le bras ; ils remplirent ce vide à l’aide d’une pièce d’ivoire, et ranimèrent ainsi Pélops tout entier.

VI. Les princes voisins se réunissent, et les villes d’alentour supplient leurs rois d’apporter des consolations à Pélops ; c’étaient Argos et Sparte, Mycènes(23), où devaient régner les Pélopides, Calydon(24) qui n’était pas encore en butte au terrible courroux de Diane, la fertile Orchomène, Corinthe, célèbre par son airain, la superbe Messène, Patras, l’humble Cléone(25), Pylos où régna Nélée, Trézène(26) que Pitthée ne gouvernait pas encore, et toutes les cités que l’isthme renferme entre deux mers, et toutes celles que du haut de cet isthme l’œil aperçoit au-delà. Qui pourrait le croire ? Athènes, tu manquas seule à ce pieux devoir. La guerre y mit obstacle ; des hordes barbares avaient passé les mers, et porté l’épouvante dans les murs de Mopsus ; Térée, roi de Thrace, armé pour la défense d’Athènes, les avait dispersées et illustré son nom par cette victoire. Sa puissance,