Page:Ovide - Œuvres complètes, Nisard, 1850.djvu/370

Cette page a été validée par deux contributeurs.
342
les métamorphoses

est le fruit tardif de l’âge. Ne dédaigne pas mes avis : tu peux prétendre à la gloire de surpasser tous les mortels dans ton art ; mais cède à une déesse ; implore, d’une voix suppliante, le pardon de tes blasphèmes ; désarmée par tes prières, elle te l’accordera. » Arachné, lui jetant un regard plein de courroux, laisse la trame commencée, et retient à peine sa main prête à frapper ; elle trahit sur son visage la colère qui l’enflamme, et répond à celle qui cache à ses yeux la divine Pallas : « Insensée, le poids de l’âge qui courbe ton corps affaiblit aussi ta raison ; c’est souvent un malheur d’avoir trop vécu. Si tu as une bru, si tu as une fille, fais leur entendre ce langage : je sais me conseiller moi-même ; et pour te convaincre que tes remontrances sont vaines, apprends que je n’ai pas changé. Pourquoi ne vient-elle pas elle-même ? Pourquoi se dérobe-t-elle au combat ? » — « Elle est venue, » dit alors la déesse, et, dépouillant les traits de la vieillesse, elle révèle Pallas. Sa divinité reçoit l’hommage des nymphes et des vierges de Lydie ; Arachné seule n’est point émue ; elle rougit pourtant, mais la rougeur soudaine qui, malgré elle, colore son visage, s’évanouit aussitôt ; pareille à l’air qui se teint de pourpre au lever de l’aurore, et que bientôt on voit blanchir aux premiers rayons du soleil. Elle persiste dans son entreprise ; et, dans sa folle ambition de ravir la palme, elle court à sa ruine ; car la fille de Jupiter ne recule pas devant le défi ; elle cesse de conseiller, et ne diffère plus la lutte.

Aussitôt, prenant place vis-à-vis l’une de l’autre, elles tendent les fils légers qui forment une double série, et les attachent au métier ; un roseau sépare les fils. Au milieu d’eux glisse la trame qui, conduite par la navette affilée, se déroule sous leurs doigts, s’entrelace à la chaîne et s’unit avec elle sous les coups du peigne aux dents aiguës. L’une et l’autre se hâtent, et, la robe repliée autour de leur sein, les habiles ouvrières pressent le mouvement rapide de leurs mains ; le désir de vaincre les rend insensibles à la fatigue. Elles emploient dans leurs tissus la pourpre que Tyr a préparée dans des vases d’airain, et marient les nuances avec tant de délicatesse que l’œil ne saurait les distinguer : tels, réfléchis par la pluie, les rayons du soleil décrivent un arc dont la courbe immense embrasse l’étendue des cieux : il brille de mille couleurs variées, mais le passage de l’une à l’autre échappe à l’œil séduit ; tant elles se fondent aux points qui se touchent ! mais aux extrémités la différence éclate. Sous leurs doigts, l’or flexible se mêle à la laine, et des histoires empruntées à l’antiquité se déroulent sur la toile.

Pallas peint la colline consacrée à Mars près de la ville de Cécrops, et le débat(4) qui s’éleva jadis sur le nom de la contrée. Les douze dieux assis autour de Jupiter sur des sièges