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les métamorphoses

dans un combat, celles que vous entendez augmentent le nombre des oiseaux. Le riche Piérus leur donna la vie dans les champs de Pella ; elles eurent pour mère Évippé, de Péonie(11), qui, neuf fois féconde, invoqua neuf fois la puissante Lucine. Follement orgueilleuses de leur nombre, elles traversent les villes de l’Hémonie et de l’Achaïe, et viennent jusqu’ici nous défier au combat par ces insolentes paroles : « Cessez d’abuser un ignorant vulgaire par la vaine douceur de vos chants ; c’est avec nous, si vous l’osez, qu’il faut vous mesurer, filles de Thespie(12). Vous ne l’emporterez ni pour l’art ni pour la voix, et notre nombre égale le vôtre ; cédez-nous, si vous êtes vaincues, les sources d’Hippocrène et d’Aganippe(13), ou recevez, pour prix de la victoire, les campagnes d’Émathie jusqu’aux monts de la Péonie, toujours couronnés de neige. Que les Nymphes soient les juges du combat. » Une semblable lutte était honteuse ; mais un refus eût paru plus honteux encore. Les Nymphes choisies pour arbitres jurent par les fleuves et prennent place sur des sièges taillés dans le roc. Alors, se levant la première sans avoir été désignée par le sort, celle des Piérides qui proposa le défi chante la guerre des dieux, exalte injustement la gloire des géants, et rabaisse celle des immortels ; elle raconte comment Typhée, sorti des entrailles de la terre, fit trembler les habitants du céleste séjour, les mit tous en fuite, et les força de chercher un asile jusque dans les plaines de l’Égypte et sur les bords du Nil aux sept embouchures ; elle ajoute que, toujours poursuivis par ce monstrueux enfant de la Terre, les dieux revêtirent, pour se cacher, des formes mensongères(14). « Jupiter, dit-elle, était le chef de ce troupeau, et c’est depuis ce temps que la Lybie, lui donnant des cornes recourbées, l’adore sous le nom d’Ammon ; le dieu de Délos se changea en corbeau, le fils de Sémélé en bouc, la sœur de Phébus en chatte ; la fille de Saturne devint une blanche génisse, Vénus se cacha sous l’écaille d’un poisson, et Mercure sous les ailes d’un ibis. »

Ainsi chanta la fille de Piérus en s’accompagnant de la lyre. « On nous presse de commencer….. mais peut-être le temps et le loisir vous manquent pour prêter l’oreille à nos concerts. — Non, répondit Pallas, redites-moi fidèlement le sujet de vos chants » ; et elle s’assied à l’ombre, sous le feuillage qu’agite un léger souffle. La Muse reprend : « Une seule de nous soutient l’honneur du combat. Calliope se lève, et, rassemblant ses cheveux avec un rameau de lierre, elle interroge de ses doigts les cordes de sa lyre plaintive ; elles vibrent, et les accords s’unissent aux accents de la Muse.

Cérès a, la première, ouvert le sein de la terre avec le fer recourbé de la charrue ; l’homme lui doit ses premiers fruits, des aliments plus doux, et ses premières lois(15) ; toute chose est un bienfait de Cérès : c’est elle que je vais chanter ; puissé-je faire entendre des chants di-