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les métamorphoses


LIVRE CINQUIÈME


ARGUMENT. — I. Persée change Phinée et ses compagnons en rochers. — II. Il métamorphose aussi Bétus et Polydectes. Changement d’un enfant en lézard, de Lyncus en lynx ; d’Ascalaphe en hibou ; de Cyane et d’Aréthuse en fontaines, et des Piérides en pies. — Rapt de Proserpine. — Voyages de Cérès et de Triptolème.


I. Tandis que le héros, fils de Danaé, raconte ces merveilles aux Céphéens assemblés autour de lui, les cris de la foule frémissante remplissent les portiques du palais : ce ne sont plus les chants des fêtes de l’Hymen ; c’est un bruit terrible, précurseur des combats. Tout à coup la joie du festin fait place au tumulte : ainsi la mer s’agite, quand le déchaînement des vents courroucés a troublé le repos de ses ondes. À la tête des turbulents, le téméraire auteur de cette guerre, Phinée, brandit un javelot de frêne, armé d’une pointe d’airain : « Me voici, dit-il, me voici, prêt à venger le rapt de mon épouse : ni tes ailes, ni Jupiter que tu prétends s’être changé en or pour te donner le jour, ne pourront te dérober à ma fureur. » Il allait frapper : « Que fais-tu ? lui crie Céphée, quel aveuglement, ô mon frère, t’égare et te pousse au crime ? Est-ce là le salaire dû à de tels services ? Est-ce là le prix du salut de ma fille ? Si tu veux entendre la vérité, ce n’est point Persée qui t’a ravi Andromède ; ce sont les implacables Néréides, c’est Ammon adoré sous les traits d’un bélier, c’est le monstre qui, du sein des mers, venait se repaître de mes entrailles. Elle te fut ravie du moment où elle fut condamnée à mourir. Cruel, aurais-tu préféré sa mort, et ma douleur pourrait-elle alléger la tienne ? Sans doute ce n’est pas assez qu’elle ait été chargée de chaînes sous tes yeux, sans qu’on t’ait vu lui porter aucun secours, toi, son oncle et son prétendant ; tu dois encore te plaindre qu’un autre l’ait sauvée, et lui enlever sa récompense. Si cette récompense te paraît belle, que n’allais-tu la conquérir sur les rochers où elle était attachée ? Souffre maintenant que celui qui l’a conquise, que celui qui a préservé ma vieillesse d’une perte cruelle reçoive le prix de son courage et le gage de ma foi ; comprends enfin que ce n’est pas à toi qu’on le préfère, mais à une mort inévitable. » Phinée se tait ; ses yeux se portent tour à tour sur son frère et sur Persée, et sa fureur ne sait auquel s’adresser. Il hésite un moment, puis,