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les métamorphoses

Junon s’éloigne transportée de joie, et s’apprête à rentrer dans son céleste séjour ; la fille de Thaumas, Iris, répand sur elle une eau lustrale qui la baigne comme une rosée. Au même instant, l’implacable Tisiphone s’arme d’une torche trempée dans le sang, revêt un manteau qui distille le sang, s’entoure des nœuds du serpent qui lui sert de ceinture, et sort de l’infernale demeure. À ses côtés marchent le Deuil, l’Épouvante, la Terreur et la Rage au visage tremblant. Elle s’arrête sur le seuil du palais d’Athamas ; les portes tremblèrent, dit-on, et leurs battants d’érable se couvrirent d’une pâleur livide ; le soleil abandonne ces lieux. Ces prodiges glacent d’épouvante l’épouse d’Athamas et Athamas lui-même. Ils veulent fuir de leur palais ; l’inexorable Érinnys se jette au devant d’eux, leur ferme le chemin, étend ses bras enlacés de vipères, et secoue sa chevelure ; les couleuvres s’agitent avec bruit sur son épaule, ou rampent autour de son front, sifflent, vomissent leur venin ou dardent leur aiguillon. Alors, du milieu de ses cheveux, elle arrache deux serpents et les lance de sa main empestée. Ils errent sur le sein d’Ino et d’Athamas, et leur soufflent le venin de leur haleine ; leur corps n’est point blessé, c’est leur âme seule qui ressent les cruelles atteintes de ces reptiles. Érinnys avait aussi apporté avec elle d’exécrables poisons, tels que l’écume vomie par Cerbère et le venin d’Échidna, les vagues erreurs, l’aveugle oubli de la raison, le crime, les pleurs, la rage et l’ardeur du meurtre. Cet horrible mélange, détrempé avec du sang nouvellement répandu, et agité à l’aide d’une tige de ciguë, avait bouilli dans un vase d’airain. Les deux époux tremblaient. Érinnys verse dans leur sein ce poison qui porte la fureur jusqu’au fond de leurs entrailles ; ensuite elle secoue sa torche en cercles redoublés, et, dans ce tournoiement rapide, lui fait décrire une trace de flamme continue. Triomphante alors, et fière d’avoir exécuté les ordres de la déesse, elle rentre dans la demeure du puissant roi des ombres, et délie le serpent qui lui sert de ceinture.

Tout à coup, saisi de fureur, le fils d’Éole s’écrie, au milieu de son palais : « Io ! mes amis, courez tendre vos voiles dans ces forêts ; je viens d’y voir une lionne avec deux lionceaux(32). » Insensé ! il prend sa femme pour la lionne, et s’élance sur ses traces ; il arrache du sein de sa mère Léarque, qui lui tendait en souriant ses bras enfantins, le fait tournoyer deux ou trois fois dans les airs, et, dans la rage qui le transporte, il brise ses os contre le mur. Alors Ino, égarée par la douleur ou par le poison qui circule dans ses veines, pousse des hurlements affreux ; elle fuit échevelée, hors d’elle-même, et t’emportant dans ses bras nus, ô tendre Mélicerte(33) ! « Évohé ! Bacchus ! » s’écrie-t-elle. Au nom de Bacchus, Junon sou-