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les métamorphoses

légers qui couvrent ses membres délicats. Salmacis tombe en extase ; la vue de tant de charmes allume dans son âme de brûlants désirs. Ses yeux étincellent, semblables aux rayons éclatants que reflète une glace exposée aux feux du soleil. À peine peut-elle se contenir, à peine peut-elle différer son bonheur ; déjà elle brûle de voler dans ses bras, déjà elle ne maîtrise plus son délire. Le berger frappe légèrement son corps de ses mains, et s’élance dans les flots. Tandis que ses bras se déploient tour à tour, il apparaît à travers le cristal des eaux aussi brillant qu’une statue d’ivoire, ou que des lis d’une éclatante blancheur, placés sous le verre transparent. « Je triomphe, il est à moi, » s’écrie la Naïade. Et, jetant au loin ses habits, elle s’élance au milieu des flots, saisit Hermaphrodite malgré sa résistance, lui ravit des baisers qu’il dispute, enlace ses bras dans les siens, presse sa poitrine rebelle, et peu à peu l’enveloppe tout entier de ses embrassements. Il lutte en vain pour se dérober à ses caresses ; elle l’enchaîne comme le serpent qui, emporté vers les cieux dans les serres du roi des oiseaux, embarrasse de ses anneaux et la tête et les pieds de son ennemi, qu’on dirait suspendu dans les airs, et replie sa queue autour de ses ailes étendues ; tel on voit le lierre s’entrelacer au tronc des grands arbres ; tel encore le polype saisit la proie qu’il a surprise au fond des eaux, et déploie ses mille bras pour l’envelopper. Le petit-fils d’Atlas résiste et refuse à la Nymphe le bonheur qu’elle attend ; elle le presse de tous ses membres ; et, s’attachant à lui par la plus vive étreinte : « Tu te débats en vain, cruel, s’écrie-t-elle, tu ne m’échapperas pas. Dieux, ordonnez que jamais rien ne puisse le séparer de moi, ni me séparer de lui. » Les dieux ont exaucé sa prière : leurs deux corps réunis n’en forment plus qu’un seul : comme on voit deux rameaux attachés l’un à l’autre croître sous la même écorce et grandir ensemble, ainsi la Nymphe et le berger, étroitement unis par leurs embrassements, ne sont plus deux corps distincts : sous une double forme, ils ne sont ni homme ni femme : ils semblent n’avoir aucun sexe et les avoir tous les deux. Voyant qu’au sein des eaux, où il est descendu homme, il est devenu moitié femme, et que ses membres ont perdu leur vigueur, Hermaphrodite lève ses mains au ciel, et s’écrie d’une voix qui n’a plus rien de mâle : « Accordez une grâce à votre fils, qui tire son nom de vous, ô mon père ! ô ma mère ! Que tout homme, après s’être baigné dans ces ondes, n’ait, quand il en sortira, que la moitié de son sexe : puissent-elles, en le touchant, détruire soudain sa vigueur ! » Les auteurs de ses jours furent sensibles à ce vœu : ils l’exaucèrent pour consoler leur fils de sa disgrâce, et répandirent sur ces eaux une essence inconnue. »

Telle fut la fin du récit. Cependant les filles de Minée poursuivent leur travail avec zèle,