Page:Ovide - Œuvres complètes, Nisard, 1850.djvu/310

Cette page a été validée par deux contributeurs.
282
les métamorphoses


sa main détache les nœuds de la corbeille. Elle l’ouvre, et leur fait voir un enfant et un serpent couché près de lui. Je rapporte à la déesse ce que j’avais vu, et pour prix de mon zèle je suis, dit-on, chassé de la présence tutélaire de Minerve, et relégué à la suite de l’oiseau des ténèbres. Mon châtiment doit apprendre aux oiseaux à ne pas se compromettre par une langue indiscrète. C’est, sans l’avoir recherchée ni poursuivie de mes prières, que j’avais obtenu la faveur de Pallas ; tu peux l’interroger elle-même ; malgré son courroux, elle ne saurait me démentir. Coronée, célèbre dans Phocide (ma naissance est connue), me donna le jour. Issue de sang royal, de riches prétendants briguèrent ma main : garde-toi de me mépriser. Ma beauté fit mon malheur. Errante un jour sur le rivage de la mer, comme c’est encore ma coutume, j’imprimais, à la surface du sable, la trace de mes pas ; le dieu des flots me voit, s’enflamme ; et comme il perdait à m’implorer et son temps et ses douces paroles, il a recours à la violence et me poursuit. Je fuyais, abandonnant le terrain solide, et m’épuisais en vain à courir sur des sables mouvants. J’invoquais les dieux et les hommes ; aucun mortel ne fut sensible à ma voix ; mais j’étais vierge : une vierge eut pitié de moi, et vint à mon secours. J’élevais mes bras au ciel, et mes bras commençaient à se couvrir d’un noir duvet. Je voulais rejeter ma robe loin de mes épaules ; mais elle était changée en plumes qui avaient jeté sous ma peau des racines profondes. Je voulais, de mes deux mains, frapper mon sein découvert, mais déjà je n’avais plus de mains et mon sein n’était plus découvert. Je courais, et le sable ne ralentissait plus mes pas comme auparavant. J’étais portée à la surface de la terre ; bientôt mon essor m’élève dans les airs, et je deviens la compagne irréprochable de Minerve. Mais qu’importe cette faveur, si, changée en oiseau pour un crime horrible, Nyctimène(66) me l’enlève et succède à mes honneurs ? Eh quoi ! l’attentat dont Lesbos entière retentit vous est-il inconnu ? Ignorez-vous qu’elle a souillé la couche de son père ? Elle est oiseau à présent ; mais la conscience de sa faute lui fait fuir les regards des hommes et la clarté du jour ; elle cache sa honte dans les ténèbres, et, partout poursuivie, elle est bannie des plaines de l’air. » Elle dit. « Puissent tes sinistres paroles, lui répond le corbeau, n’être funestes qu’à toi seule ! Pour moi, je méprise tes vains présages. » Il poursuit en effet son chemin, et court raconter à son maître qu’il a vu Coronis dans les bras d’un jeune Thessalien. À la nouvelle de ce crime, l’amant de Coronis laisse tomber sa couronne de laurier ; en même temps son visage s’altère ; le luth s’échappe de ses mains, il pâlit ; le courroux bouillonne dans son âme. Il saisit ses armes fidèles, tend son arc recourbé, et ce cœur qu’il pressa tant de fois contre le sien est percé d’un trait inévitable. Coronis blessée jette un cri plaintif, retire le fer de sa