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les métamorphoses


je le dirais même en sa présence. » Le dieu sourit en l’écoutant, et s’applaudit de se voir préférer à lui-même. Il l’embrasse, et ses baisers trop ardents ne sont pas ceux d’une chaste déesse. Elle allait raconter dans quelle forêt la chasse avait conduit ses pas ; de nouveaux baisers arrêtent sa réponse, et le dieu se révèle par un crime. Calisto résiste, autant du moins que le peut une femme : ô Junon ! que ne vis-tu ses efforts ! tu serais moins inexorable. Elle résiste ; mais quelle vierge, quel homme peut triompher de Jupiter ? Après sa victoire, il remonte aux célestes demeures ; Calisto déteste la forêt témoin de sa honte. Prompte à s’éloigner, peu s’en faut qu’elle n’oublie et son carquois et ses traits et l’arc qu’elle avait suspendu.

Cependant, escortée du chœur de ses nymphes, Diane paraît sur les hauteurs du Ménale, triomphante des nombreuses victimes immolées sous ses coups. Elle aperçoit la nymphe et l’appelle, et Calisto s’enfuit à sa voix ; elle craint d’abord de trouver encore Jupiter sous les traits de Diane ; mais quand elle voit les nymphes s’avancer à ses côtés, elle ne craint plus de pièges et se mêle à leur troupe. Hélas ! qu’il est difficile de ne point laisser paraître sur le visage la trace d’une faute ! À peine lève-t-elle ses yeux attachés à la terre ; elle n’ose plus, comme autrefois, prendre place à côté de la déesse, ni marcher à la tête du cortège : elle garde le silence, et la rougeur de son front révèle l’outrage fait à sa pudeur ; si Diane n’eût été vierge, elle aurait pu voir cent témoignages de sa honte ; ses nymphes les virent, dit-on. La lune renouvelait dans les cieux son neuvième croissant, lorsque la déesse des forêts, épuisée par les feux que lance son frère, entra dans un bois sombre d’où s’échappait un ruisseau coulant avec un doux murmure sur un lit de gravier. Elle admire la beauté de ces lieux ; puis, effleurant de ses pieds la surface des eaux, elle admire aussi leur limpidité : « Puisque nous sommes loin de tout regard profane, dit-elle, dépouillons nos vêtements et plongeons-nous dans l’onde. » Calisto rougit ; déjà tous les voiles sont tombés ; seule, elle diffère encore ; tandis qu’elle hésite, ses compagnes détachent ses vêtements et découvrent son déshonneur en découvrant son sein. Interdite, elle cherche à se faire un voile de ses mains : « Fuis loin d’ici, s’écrie la déesse, crains de profaner ces ondes sacrées ! » Elle dit, et l’exile de sa cour.

Depuis longtemps l’épouse du puissant maître du tonnerre connaissait cet affront ; mais elle avait ajourné sa terrible vengeance à des temps plus favorables ; maintenant le délai n’est plus permis : Arcas(61), et c’est ce qui anime le courroux de Junon, a déjà reçu le jour. Vers cet enfant se tournent à la fois ses regards et son âme irritée : « Il ne te manquait donc plus que d’être féconde, infâme adultère, s’écrie-t-elle, il ne te manquait plus que de mettre