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SUR OVIDE.IX

Si Ovide ne créa pas ce genre , il le mit du moins à la mode ; et Aldus Saliiniis , un de ses amis , répondit, au nom des héros infidèles , aux épîtres des héroïnes délaissées ; mais il laissa à ces dernières , sans doute par un raffinement de galanterie, tous les avantages de l´esprit que Ovide le leur avait donné. Après avoir chante les amours des héros, Ovide chanta les siennes, qui lui avaient acquis une singulière célébrité. Il n’était bruit dans Rome que de ses exploits amoureux ; ils faisaient l’entretien des riches dans leurs festins,du peuple dans les carrefours, et partout on se le montrait quand il venait à passer. Attirées plutôt qu´éloignées par cette réputation, toutes les belles sollicitaient son hommage, se disputaient le renom que donnaient son amoure ses vers ; et il se vante d’avoir, en les faisant connaître, doté d’une foule d’adorateurs leurs charmes jusqu´alors c ignorés il avoue d´ailleurs ingénument qu’il n´est point en lui de ne pas aimer toutes les femmes, même à la fois, et les raisons qu’il en donne , quoique peu édifiantes , font de cette confession une de ses plus charmantes élégies. Le mal était surtout que ses maîtresses avaient quelquefois des rivales jusque parmi leurs suivantes. Corinne l’accusa un jour d’une intrigue avec Cypassis sa coiffeuse ; Ovide, indigné d’un tel soupçon se répand en plaintes pathétiques , prend tous les dieux à témoin de son innocence, renouvelle les protestations d’un amour sans partage et d’une fidélité.sans Bornes. Corinne dut être entièrement rassurée. Mais l´épître suivante( et ce rapprochement est delà très-piquant) est adressée à celte Cypassis ; il la gronde doucement d’avoir , par (quelque indiscrétion , livré le secret de leur amour aux regards jaloux de sa maîtresse, d’avoir peut-être rougi devant elle comme un enfant ; il lui enseigne A mentir désormais avec le même .sang-froid lui, et finit par lui demander un rendez-vous Le recueil de .ses élégies fut d’abord publié en cinq livres , qu’il réduisit ensuite à trois, « ayant corrigé, dit-il, en les brûlant, » celles qu’il jugea indignes des regards de la postérité. A l’exemple de Gallus, de Properce et de Tibulle qui avaient chanté leurs belles sous les noms emprunté, de Lycoris, de Cynithie et de Némésis, Ovide célébra sous celui de Corinne la maîtresse qu’il aima le plus.Tel est du moins le nom que plusieurs manuscrits ont donné pour titre aux livres des Amours. Mais quelle était cette Corinne ? Cette question, qui n’est un peu importante que si on la rattache à la cause de l’exil d’Ovide, a longtemps exercé , sans la satisfaire , la patiente curiosité des siècles ; et comment eût-on pénétré un secret si bien caché même au siècle d’Ovide, que ses amis lui en demandaient la révélation comme une faveur, et que plus d’une femme, profitant pour se faire valoir, de la discrétion de l’amant de Corinne, usurpa le nom, devenu célèbre. de Cette maîtresse mystérieuse, et se donna publiquement pour l’héroïne des chants du poète ? Du soin même qu´il a mis à taire le nom de la véritable, on a induit qu’elle appartenait à la famille des Césars. On a nommé Livie, femme de l’empereur ; mais la maîtresse eût été bien vieille et l´amant bien jeune : un a nommé Julie, fille de Tibère ; mais alors , au contraire, la maîtresse eût été bien jeune et l’amant bien vieux ; ce que ne permettent de supposer ni la date ni aucun passage des Amours. On a nommé Julie, fille d’Augnste, et cette opinion, consacrce par l’autorité d´une tradition dont Sidoine Apollinaires´est fait l’écho, n’est pas aussi dépourvue de toute vraisemblance, quoiqu´on ne l’ait appuyée que sur de bien futiles raisons. Julie, veuve de Marcellus , avait épousé Marcus Agrippa ; or, dit-on, les élégies parlent du mari de Corinne, de ses suivantes, d’un eunuque. Ailleurs, il la compare à Sémiramis ; ailleurs encore, il lui cite, pour l’encourager à aimer en lui un simple chevalier romain, l’exemple de Calypso qui brûla d’amour pour un mortel, et celui de la nymphe Égérie, rendue sensible par le juste Numa. Corinne ayant, pour conserver sa beauté, détruit dans son sein le fruit de leur amour , Ovide indigné lui adresse ce.s mots , le triomphe et la joie du commentateur : « Si Vénus, avant de donner le jour à Énée, eût attenté à sa vie, la terre n’eût point vu les Césars ! » Enfin, s’écrie t-on victorieusement, le tableau qu’Ovide a tracé, dans une des dernières élégies de .ses Amours, des mœurs dissolues de sa maîtresse n’est que celui des prostitutions de cette Julie, qu’accompagnaient en public des troupe d’amants éhontés,qui affichait jusque dans le forum , dit Sénèque , le scandaleux spectacle de ses orgies nocturnes, et,que ses débordements firent exiler par Auguste lui-même dans l’île déserte ou elle mourut de faim. Mais toutes ces phrases d’Ovide à sa Corinne peuvent n’être que des hyperboles poétiques , assez ordinaires aux amants, et applicables à d´autres femmes que Julie , et n’avoir point le sens caché qu’on a cru y découvrir. Il en est qui ont pensé mettre lin à toutes les conjectures’ en disant qu’Ovide n’avait, en réalité, chanté aucune femme , et que ses amours, comme celles de Tibulle et de Properce , n’existèrent jamais que dans son imagination et dans celle des commentateurs ; ce qui n’est qu’une manière expéditive de trancher une difficulté insoluble.

Les plaisirs ne détournaient pas Ovide de sa passion pour la gloire : « Je cours , disait-il , après aine renommée éternelle, et je veux que mon nom Soit connu de l’univers. • L’œuvre qui nourrissait en lui celle immense espérance était une tragédie romaine peut avoir un grand font de vérité,à en juger par les efforts plus louables que heureux des témoignage qu’il se rend à lui-même , en ternies , il est vrai , peu modestes , d’avoir nié la inujidie. nimahif. peut avoir un grand fond de vérité , ii en juger par les efforts plus louables qu’heureux des