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après les avoir lus en la sainte présence de Diane, ta foi fut liée sous la garantie d’une déesse. Et, pour qu’elle n’ignore pas la formule de cet engagement, répète aujourd’hui les paroles que tu lus jadis. "Épouse, je t’en conjure, dira-t-elle, l’amant qu’unit à toi une divinité favorable ; celui que ton serment a fait mon gendre, le doit être ; quel qu’il soit il me plaira, puisqu’il a plu à Diane." Telle sera ta mère, si toutefois elle est mère. Que si elle demande encore qui je suis, quel est mon rang, sache-le, elle trouvera que la déesse a servi vos intérêts. Il est une île, le séjour autrefois des Nymphes de Corycie ; la mer Egée l’entoure ; elle se nomme Céos[1]. C’est ma patrie ; et, s’il te faut un nom illustre, on ne me reproche pas d’être issu de méprisables aïeux. J’ai des richesses, ma vie est sans tache, et ; ce qui vaut mieux encore, mon amour m’enchaîne à toi. Tu rechercherais un époux tel que moi, n’eusses-tu rien juré ; enchaînée par un serment, tu devrais ta main même à qui en serait moins digne que moi.

Voilà ce que la chasseresse Phoebé m’a, en songe, ordonné de t’écrire ; ce que, pendant la veille, m’a aussi ordonné de t’écrire l’Amour. Déjà les flèches de l’un m’ont blessé ; prends garde que les traits de l’aube ne te blessent à ton tour ; nos destinées sont unies : prends pitié de toi et de moi. Pourquoi hésites-tu à nous prêter un secours qui nous sera commun à tous deux ? Si tu y consens, on verra, lorsque le signal sonore sera donné, lorsque le sang des victimes rougira Délos, on verra paraître l’image en or de cette pomme fortunée, et deux vers expliqueront le motif de cette offrande : "Aconce atteste, par l’emblème de cette pomme, que ce qui y fut écrit fut exécuté." Je crains qu’une trop longue lettre ne cause quelque fatigue à ton corps affaibli, et je la termine par la formule accoutumée : Porte-toi bien.


CYDIPPE À ACONCE

J’ai lu des yeux ta lettre, dans la crainte que ma langue ne jurât, à son insu, par quelque divinité[2] ; car tu aurais une seconde foi, profité de la surprise, si, comme tu l’avoues, tu ne me croyais pas assez engagée par une première promesse. Je ne devais pas te lire, mais, si j’avais été inflexible envers toi, peut-être le courroux de la cruelle déesse se fût-il accru. Malgré tout ce que je fais, malgré le culte pieux que je voue à Diane, c’est toi cependant qu’elle favorise par-dessus tout ; et, comme tu désires d’être cru, elle te venge avec la persévérance du ressentiment.À peine accorda-t-elle une telle protection à son cher Hippolyte[3].

  1. Il existait, au pied du mont Curycus, un antre consacré aux Muses. De là la qualification vague qu’on leur donne de Nymphes de Corycie.
  2. Il faut se rappeler que la lecture que Cydippe avait faite à haute voix du serment écrit sur le fruit jeté à ses pieds, avait suffi pour la lier, sans qu’elle y songeât. Voyez la note 1 de l’épître XX.
  3. On sait que Diane avait aimé Hippolyte, et qu’après sa mort, Esculape lui rendit la vie, à la sollicitation de cette déesse.