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devra donc toujours dépendre et des flots et des vents ? Cependant l’orage dure encore. Que sera-ce, lorsque les Pléiades et le Bouvier et la Chèvre d’Olénus, conjurés contre moi, auront bouleversé les mers[1] ? Ou je ne sais pas de quoi est capable un amour téméraire ou il me précipitera en aveugle dans les ondes.

Et ne crois pas que je m’engage ainsi pour un temps encore éloigné ; je ne tarderai pas à te donner un gage de ma promesse. Que la mer garde son courroux quelques nuits encore, et je tenterai d’en traverser les eaux menaçantes. Alors, ou je vivrai après le succès de mon heureuse audace ou la mort terminera les inquiétudes de mon amour. Puissé-je du moins être poussé près des lieux où tu vis ! Puissent mes membres naufragés aborder à ce port ! Car tu pleureras, tu daigneras toucher mon corps, et dire : "C’est moi qui ai causé sa mort." Ce présage de mon trépas t’attriste sans doute, et cet endroit de ma lettre à blessé ton cœur.

Je finis, épargne-toi la plainte ; mais, pour que la mer mette un terme à son courroux, unis, de grâce, unis tes vœux aux miens. Il me suffit d’un peu de calme, pour me transporter près de toi ; lorsque j’aurai touché ton rivage, que la tempête continue. Là est le port qu’il faut à mon navire ; nulle anse ne convient mieux à ma poupe. Que Borée m’y emprisonne, il me sera doux d’y séjourner. Alors je deviendrai nageur paresseux, alors je deviendrai prudent. Je n’adresserai aucune plainte aux flots qui y restent sourds ; je n’accuserai pas la mer d’être impraticable pour qui la veut traverser à la nage. Que les vents et l’amour avec eux me retiennent dans tes bras, et que j’y trouve un double obstacle à mon départ.

Quand le permettra la tempête, je ferai usage des rames de mon corps ; seulement, tiens le fanal toujours en vue. Qu’à ma place, jusque-là, cette lettre passe avec toi la nuit : ce que je désire, c’est de n’être pas un moment sans la suivre.


HÉRO À LÉANDRE

Le salut que tu m’as envoyé en paroles, que je puisse, Léandre, le recevoir en réalité ; viens. Tout retard me paraît bien long, qui diffère mon bonheur. Pardonne à mon aveu, j’aime avec violence. Un même feu nous embrase ; mes forces toutefois n’égalent bas les tiennes : les hommes sont doués, je le vois, d’une plus grande fermeté d’âme. Les jeunes filles ont l’esprit aussi faible que le corps. Je succomberai, si tu prolonges mon attente quelque temps encore. Pour vous, vous trouvez, soit dans la chasse, soit dans la culture de terres fertiles, des passe-temps agréables et variés.

  1. Ou comptait sept Pléiades, nommées aussi par les Latins, Vergiliae ; Arctophylax était la constellation du Bouvier. — La chèvre d’Amalthée avait, dit la Fable, allaité Jupiter à Olénus, ville d’Achaïe. Elle fut ensuite enlevée au ciel, en récompense de ce service.