Page:Ovide - Œuvres choisies (trad. Panckoucke), Les Amours, 1858.djvu/321

Cette page n’a pas encore été corrigée

suivait Lyrice dans les bois ; Daphnis, épris d’une indifférente Naïade, était pâle aussi. Que ta maigreur décèle encore les tourments de ton âme ; ne rougis pas même de couvrir ta brillante chevelure du voile des malades. Les veilles, les soucis et les chagrins qu’engendre un violent amour maigrissent un jeune homme. Pour voir combler tes voeux, ne crains pas d’exciter la pitié, et qu’en te voyant chacun s’écrie : "tu aimes."

Maintenant, dois-je garder le silence, ou me plaindre de voir partout la vertu confondue avec le crime ? L’amitié, la bonne foi ne sont plus que de vains mots. Hélas ! tu ne pourrais sans danger vanter à ton ami l’objet de ton amour : s’il croit à tes éloges, il devient aussitôt ton rival. Mais, dira-t-on, le petit-fils d’Actor ne souilla point le lit d’Achille ; Phèdre ne fut point infidèle, du moins en faveur de Pirithoüs ; Pylade aimait Hermione d’un amour aussi chaste que celui de Phébus pour Pallas, que celui de Castor et de Pollux pour Hélène, leur soeur. Compter sur un pareil prodige, c’est se flatter de cueillir des fruits sur la stérile bruyère, ou de trouver du miel au milieu d’un fleuve. Le crime a tant d’appas ! chacun ne songe qu’à son propre plaisir ; et celui que l’on goûte aux dépens du bonheurd’