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Depuis ces uniques moments de la fatale soirée où il put connaître sa femme, le souvenir de Cécile ne le quittait plus. Il s’était habitué avec le temps à la considérer comme sa propre et naturelle épouse, et, ce semble, par une vertu secrète du simple contrat civil, il sentit naître pour sa part tous les tendres et indissolubles attachements du mariage. Se voyant d’ailleurs dans une aisance assurée et ne sachant que trop que la malheureuse, comme il disait en soupirant, courait les bourgades avec tous les hasards de sa profession vagabonde, il se prenait souvent à regretter qu’elle ne fût point là pour rentrer en grâce et partager sa bonne fortune. Les petits enfants d’ailleurs, qu’il aimait, et dont il était toujours entouré, la lui rappelaient sans cesse, et ces tableaux de famille poussaient parfois ses sentiments jusqu’à des éclats de sensibilité, surtout s’il s’était arrêté à la cantine, dont il n’avait pu tout à fait se sevrer.

Madame Fressurey, soumise à sa destinée, par condescendance pour le vieux soldat dont elle appréciait les qualités, ou par bons restes d’amour maternel, répondait volontiers aux regrets de Schérer sur la folle enfant prodigue. Ils s’en entretenaient souvent ensemble en se promenant avec les enfants sur le boulevard voisin.

— Ah ! disait le vieux guerrier, si Cécile avait voulu !… J’étais fait pour elle… quoique dans le cas de lui pardonner… J’y en veux pas, moi… Elle ne fait tort qu’à elle… Cette vie qu’elle mène… elle n’a peut-être pas de souliers au jour d’aujourd’hui… Des comédiens… en v’là un état !… sans compter qu’elle est malheureuse avec son garnement… Oui, qu’elle est malheureuse… J’en mettrais ma