Page:Ourliac - Nouvelles.djvu/94

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dossier d’une bergère, cet homme, dis-je, soufflant, suant et baragouinant, descendait dans la cour de l’Hôtel des Postes, au milieu d’un amas de caisses, valises, sacs de nuit, coussins, malles, cartons, dont les facteurs lui faisaient un rempart, sans compter les flacons, les rouleaux de mortadelle, et autres comestibles qui sortaient à demi de ses poches, et la chaufferette à eau bouillante qu’il portait sous le bras. Comme un si gros homme au milieu de ce retranchement gênait prodigieusement les opérations des facteurs si affairés en un pareil moment, on culbuta d’abord quelque peu ses caisses, ce qui lui fit rouler des yeux furibonds, puis enfin on le bouscula lui-même, à quoi, tout boursoufflé, tout hérissé des pieds à la tête, il s’écria :

Accidente che te piglia (ou à peu près) ! tou es oun gros insolent, vous !

— Qu’est-ce qu’il dit, le gros ? interrompit le commissionnaire. Où allez-vous, bourgeois ?

— Comment ! bourgeois ! il me appele bourgeois ! Canaglia ! et l’oun dit ce peuble de Paris si poli ! insolent ! familier !

— Fâchez pas, bourgeois !

Eccellenza ! Eccellenza ! ze souis le marquis de Baffi.

En effet, c’était le digne père du jeune comte, qui avait pris la poste sur les nouvelles transmises par le notaire, touchant les déportements et les vengeances par trop italiennes qui avaient motivé le départ précipité de son fils.

— La rue et le numéro, voilà ce qu’il me faut, reprit le commissionnaire en rassemblant les bagages.