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un tour de septuagénaire brûlé d’eau-de-vie. Au bout d’un mois il se promenait dans les jardins avec son ami Lapointe, qui n’était pas fâché au fond de le voir marcher aussi péniblement que lui ; Lapointe, d’ailleurs, avait repris tous ses avantages et en écrasait d’autant l’infortune de son ami.

— Si tu m’avais écouté, Schérer, tu n’en serais pas là. La folie est faite ; mais combien de fois t’ai-je dit que tu devais te méfier des femmes ! Les femmes t’ont perdu.

— On rattrapera mon gredin. Les magistrats, à ce qu’il me paraît, ont écrit à sa famille, qui a de quoi dans son pays.

— Oui, mais tu ne touches toujours plus ta pension.

— On peut leur pincer des dommages-intérêts ; la justice a les bras longs.

— Oui, mais tu as toujours épousé une rien qui vaille, qui a compromis ton nom.

— Je la méprise.

— Tu as toujours perdu ta liberté ; car à l’âge que tu as, avec ton physique, tu pouvais encore trouver quelque chance : tiens, Toinette, qui est une femme établie et qui a une cantine qu’on peut dire bien achalandée, Toinette me disait encore l’autre jour : Ah ! si Schérer avait voulu…, et c’est une femme qui aurait tout fait pour ton bonheur. Au lieu de ça tu es un esclave, tu es lié devant la loi, tu as perdu ta liberté.

Schérer poussa un profond soupir, qui s’appliquait indistinctement à Toinette, à son débit d’eau-de-vie ou à la liberté qu’il avait perdue.

Sur ces entrefaites, le caporal de garde, le voyant passer