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chez le portier, qui eut encore fort affaire de l’arrêter.

Les Fressurey, comme leur infortuné protecteur, se voyaient bloquées chez elles par un homme résolu qui n’avait pourtant qu’une jambe. Baffi, dans le commun malheur, essaya de toutes les mesures préventives, jusqu’à porter plainte au procureur du roi ; mais, outre que le physique de Baffi, son accent et ses airs ridicules ne pouvaient donner à sa plainte toute la gravité désirable, les magistrats, le cas posé, n’y savaient nul remède, puisque Schérer, après tout, était l’époux légitime de Cécile, toujours aux yeux de la loi.

Une terrible péripétie vint compliquer au bout de quelques jours la situation de ces divers personnages. Schérer manqua un soir à l’appel et fut noté pour cause sur le livret du sergent. Le lendemain, on vit entrer une civière portée par quatre soldats de la ligne. Une patrouille avait trouvé l’invalide gisant à deux heures du matin dans l’avenue des Amandiers, quartier désert et mal habité, derrière l’hôtel, dans ce vaste espace de terrain où les maisons sont encore trop rares pour former des rues.

Schérer, tout sanglant et sans connaissance, fut recueilli au corps-de-garde du boulevard. À son arrivée dans l’Hôtel il ne parlait point encore. On le déshabilla, on le mit au lit à l’infirmerie, et les médecins constatèrent sur tout son corps, de la chute des reins au sommet du crâne, la présence de plus de cinquante-sept lésions ou meurtrissures produites par un instrument contondant (style médico-légal), comme qui dirait trique, gourdin ou bâton ferré. Quelques-uns de ces coups, portés sur la nuque, avaient fait jaillir le sang dont on avait trouvé Schérer tout souillé.