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texte qu’il était moins commode, mais en réalité parce qu’il commençait à lui coûter trop. Cécile, goûtant ces économies, lui insinua qu’elles convenaient à un père de famille, quoiqu’il n’y eût personne dans le monde à qui cette qualification respectable convînt moins qu’à cet imprudent.

Le jeune comte parut dans le salon de ces dames en tenue de bal ; elles ne doutaient point que ce seul personnage, portant un tel titre, nourri dans le grand monde et mis dans le dernier goût, ne suffît pour hausser le ton de toute l’assemblée.

Malheureusement les deux premières figures qui parurent après lui étaient deux femmes, mère et fille, d’une laideur et d’un ridicule des plus choisis ; il est d’usage en pareil cas que ces créatures disgraciées soient des plus tôt venues. Baffi n’en fit pas moins de grandes galanteries ; érigé en héros de la fête et se sentant généralement admiré, il se pavanait dans sa fatuité comme le Mascarille des Précieuses ; sa présence, en effet, guinda la morgue des invités. Les pères de famille n’osaient tourner la mâchoire dans leur cravate bien empesée ; les jeunes gens, empêtrés de gants jaunes, se gardaient de plier les doigts, de peur de les salir ; les virtuoses prenaient de grands airs près du piano. Quant aux dames, elles figuraient sur leurs banquettes un assortiment de poupées fichées sur leurs piquets.

Dans cette somnolence cérémonieuse, Ernault passait de temps à autre devant les banquettes un plateau garni de sucreries et de bavaroises. Madame l’accompagnait maternellement pour joindre ses offres empressées à cette pré-