Elle se redressait brusquement, le regard fixe et farouche, et d’une voix précipitée :
— Je suis perdue ! perdue !
La vieille Fressurey, qui connaissait la scène de longue main, demeurait debout, interdite, dans l’attitude fatale du vieux Ruy-Gomez, au dénouement d’Hernani.
— Je suis une femme déshonorée ! reprit Cécile en jetant le mot à la manière de madame Doryal.
— Déshonorée ! hasarda de dire madame Fressurey, sois donc raisonnable, Cécile, tu pousses toujours les choses à l’extrême. En quoi es-tu déshonorée ? qui songe à te déshonorer ?
— Madame !… Madame ! s’écria Cécile, en se levant dans une attitude terrifiante et rejetant ses cheveux de la main, taisez-vous ! c’est à vous que je dois mes malheurs !
Madame Fressurey, habituée à de pareils mouvements scéniques, se contenta de répliquer mollement :
— Que tu es donc enfant ! d’après ça tu as tort de m’accuser. Si ton père vivait, il ne le souffrirait pas ; il n’y a pas de quoi fouetter un chat.
Cécile, désarmée par ce sang-froid, se rejeta sur le divan.
— Au moins qu’il ne le sache pas, qu’on le lui cache.
— Qui ça ?
— Mon Baffi… Il mourrait de chagrin… ou il nous quitterait.
— Mais ça n’a pas le sens commun ; il n’en sait rien, cet homme. Tu as tort de prendre feu comme ça. Écoute-moi donc, mon enfant.
Madame Fressurey se rapprocha du divan, s’assit auprès