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— Mais doucement, dit Cécile en se ravisant, si cet homme, mon légitime mari devant la loi, abusait de sa position pour venir chez moi faire des avanies ?

— Ah ! oui-dà, répliqua madame Gidoin prête à tout ; c’est là qu’on l’attendrait. Plus de pension, visage de bois à la caisse. Vous concevez mon enfant, qu’un homme de ce genre-là tient plus à la pièce de vingt francs qu’à n’importe quoi. Il faudrait qu’il fût ennemi de son bonheur.

— Ainsi je ne le verrai jamais ?

— Une petite fois, à la mairie, pour signer, puisque c’est la cérémonie qui vous rend service. On ne peut pas lui refuser ça à cet homme.

— Je ne veux toujours pas qu’il y vienne en habit d’invalide, répliqua Cécile d’un air résolu.

— C’est la moindre des choses. Vous trouverez pour ce jour-là quelque habit présentable, quelque culotte, soit de M. le comte, soit autrement. C’est encore une petite dépense à faire qui sera le cadeau de noce, avec une pièce ronde ; il faut bien faire les choses.

— Mon Dieu ! dit la mère, ce n’est pas là une difficulté.

— Quand il aura un habit bourgeois, reprit madame Gidoin, vous serez étonné de sa mine.

— Il est donc bien de sa personne ?

— Superbe, je vous dis, un beau vieillard, représentant bien, droit comme un I ; on ne dirait jamais à le voir, qu’il a des défauts. Vous savez de ces vieillards à cheveux blancs ; il n’y a rien que j’aime comme ça… au théâtre ; et puis une tenue, une démarche, vous jureriez qu’il a ses deux jambes.

— Il ne les a pas ? dit Cécile.