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sans qu’on vît paraître la petite Séraphine. Le capitaine alors passait la journée entière appuyé sur la grille du jardin qui s’étend sur le boulevard, et ce qui rendait cette attente plus triste, c’étaient toutes sortes de préparatifs que le capitaine faisait en ces occasions. La veille du jour où il devait voir sa fille, Ronquerolles s’habillait, ce qui était pour lui une chose extraordinaire, et s’en allait visiter les boutiques où je l’avais si souvent rencontré ; il choisissait les jouets les mieux faits, les plus à son goût ; une bergerie, un train de ménage, une belle poupée qu’il emportait soigneusement sous sa redingote ; à son tour il mettait le tout gravement sur une table ; il étalait à côté des bonbons, des boîtes de confitures, et il attendait sa fille dans cette attitude, promenant des regards satisfaits sur cet étalage, le sourire sur les lèvres, rangeant à chaque instant quelques objets dans un meilleur ordre comme une ménagère reprend un pli de la nappe en attendant un convive de conséquence.

Quand l’heure venait à passer, le sourire disparaissait du visage de Ronquerolles ; il descendait dans le jardin et s’appuyait à la grille dont j’ai parlé, les yeux fixés au loin sur le boulevard, et quand sa fille ne venait pas, c’était une vraie pitié de le voir attendre là jusqu’au soir. Il remontait lentement à l’heure du dîner, et s’il rencontrait madame Lescot, notre hôtesse, il lui disait comme pour se faire illusion à lui-même :

— Elle viendra demain.

Il résultait de ce manège que la chambre du capitaine était encombrée de jouets de toutes espèces, car l’enfant ne les pouvait tous emporter, et quand la petite n’avait