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taire, devenu général en chef, n’aurait pas mieux attaché sur la carte d’un pays ennemi.

Mais cet homme m’étonna bientôt par sa pantomime. Il prenait un jouet, en tournait la manivelle qui faisait mouvoir les personnages au son d’un tintement monotone, et le plus souvent replaçait l’objet avec une mine mal satisfaite. Un polichinelle, que la marchande lui avait mis entre les mains, parut l’attacher davantage ; il tira une certaine ficelle, et le polichinelle ouvrit les bras d’un air si plaisant que l’homme éclata de rire. Son attention fut bientôt détournée par une mécanique plus ingénieuse ; on voyait, sur un petit théâtre de carton d’un pied carré, les trois personnages fameux du théâtre de la foire, Arlequin, Pierrot et Cassandre, au milieu d’un décor fort joliment peint, représentant une place publique. Un ressort caché animait la scène : Arlequin, pirouettant légèrement sur la pointe du pied, frappait de sa batte une fenêtre où paraissait aussitôt la figure de Colombine ; puis se retournant du même air, il laissait retomber son sabre bergamasque sur ce pauvre Cassandre qui pliait le dos en cadence, secouant les volutes de sa perruque. Pierrot, voyant battre son maître et Colombine prête à fuir, ne sachant auquel courir, tournait la tête vers l’un et vers l’autre, en écarquillant les yeux et levant les bras.

À cette vue, notre homme à moustaches, transporté d’admiration, répéta le geste de Pierrot ; il entra dans la boutique, fit jouer sous ses yeux la machine en riant aux éclats, la paya et l’emporta sous le bras, reprenant tout à coup sa gravité sévère.

Je rencontrai cet homme plus souvent que je l’ai dit,