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point que je veuille passer pour un saint. Il y a du bon dans ce qu’on a dit : il est bien vrai que j’ai pris beaucoup de peine à peupler cet enfer dont on vous parle légèrement, mais je vous assure à ce propos que c’est un vilain et ennuyeux endroit.

Il suffit de vous dire que tous les mauvais écrivains et la plupart des savants s’y trouvent. Il est bien vrai que j’y ai passablement réussi. Mais il y a de cela des siècles.

C’était en des temps de vigueur et de sainteté, dès le premier âge du christianisme, quand je vis succéder au badinage du paganisme la loi pure et sévère du fils de Dieu. Alors, je l’avoue, je conçus de terribles inquiétudes. La ferveur des premiers chrétiens m’étonna. Le flambeau de la vérité rayonnant dans les mains des pères de l’Église et jetant de tous côtés sur le monde ses magnifiques clartés, me menaçait jusque dans mes antres de ténèbres. Les solitaires me donnaient aussi bien de l’occupation. Ces enragés de chrétiens ne cédaient pas aisément, il fallut batailler. Je ne puis vous dire combien de fois je me brûlai les doigts aux flammes des bûchers, tant de martyrs expiraient en chantant les louanges de Dieu, je crus un moment mon procès perdu. Un peu plus tard encore, quand je vis s’achever, sous l’inspiration chrétienne, ce magnifique édifice de l’Europe ; quand je vis mettre en vigueur les principes naturels et véritables des sociétés, quand je vis le mouvement lent et grave de la science seconder la religion et menacer de l’étendre jusqu’aux dernières limites de l’univers, je l’avoue encore, je me démenai diablement. Je ne veux renier ici aucune des horribles for-