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éclair dans l’esprit, et je sentis un frison, mais je surmontai cette faiblesse. Je saisis dans la boîte une de ces allumettes récemment inventées, si commodes, et qui causent tant d’incendies, je la frottai sur le couvercle de la boîte.

— Eh ! eh ! prenez garde, dit l’homme en se reculant, vous allez mettre le feu.

En effet, l’explosion de l’allumette fut si vive et si prolongée que j’en fus tout ébloui.

Cette explosion fut suivie d’une flamme étrangère comme si quelques papiers avaient pris feu. Le tout fut accompagné d’une odeur de soufre bien connue.

Je rallumai mes bougies et j’examinai mon visiteur. Je ne le connaissais point, mais je vis une figure bien capable de dissiper ma frayeur pour peu qu’il m’en fût resté.

C’était un homme d’environ soixante ans, de petite taille, assez replet, un peu chauve, avec un reste de cheveux grisonnants et mêlés d’un blond fade ; le teint rougeaud, le nez gros et retroussé, les sourcils plaisamment tirés l’un vers l’autre, et une bouche mal coupée qui laissait voir le vide laissé par deux dents incisives, ce qui était cause que la prononciation de cet homme était vicieuse. Il sifflait et zézayait en parlant.

Il portait sur le nez dont j’ai parlé, une belle paire de lunettes rondes à larges branches d’acier.

C’était enfin une physionomie ouverte, sereine, la plus bourgeoise du monde, et qui ressemblait en tout à celle d’un farceur célèbre aux boulevards.

Il était vêtu d’un habit marron fort propre et d’une forme un peu vieillie, d’un pantalon trop court et d’un gilet de piqué jaune. Une longue chaîne de montre se balan-