Page:Ourliac - Nouvelles.djvu/308

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Voilà ce que c’est que de faire des vers contre les honnêtes gens. Cela ne porte pas bonheur.

Jacques détournait le visage comme Notre-Seigneur quand on lui présenta le vinaigre et le fiel, et se cachait en priant dans ses couvertures. Ce supplice dura deux mois ; Dieu seul a pu savoir ce qu’il étouffa dans son cœur de douleurs, d’orgueil révolté et d’illusions les plus chères, les plus opiniâtres, durant cet espace de temps. Mais il sentait que sa fin était proche. Les médecins, voyant qu’il avait du courage, ne lui cachaient pas son état. Il s’entretenait tous les jours avec l’aumônier, se purifiant peu à peu, et se détachant comme un vrai chrétien des choses de ce monde. Ce fut alors qu’il m’écrivit sa dernière lettre, que je reçus, mon Dieu ! quand il n’était déjà plus. Cependant une pensée le troublait encore, et il demandait tous les jours à Dieu la force d’accomplir un dernier sacrifice. Enfin, un matin, — ce fut sans doute une inspiration du ciel, — après de longues méditations qui durent être une lutte suprême, il se leva sur son séant et demanda qu’on envoyât chercher l’économe.

L’aumônier était à ses côtés.

M. Lecamus se présenta d’un air gauche, et comme embarrassé. Jacques l’accueillit avec un sourire aimable et rayonnant.

— Monsieur, lui dit-il, je vous ai bien offensé : Je m’en vais paraître devant Dieu, qui prendra pitié de moi, je l’espère, et je ne veux pas laisser de ressentiment parmi les hommes ; n’imiterez-vous pas sa bonté ? Je vous prie de me pardonner comme je vous pardonne ici, du profond de mon cœur. Voulez-vous me donner votre main ?