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et dans d’autres villes de la province, des concours nommés palinods, ou l’on envoyait des noëls, des cantiques en l’honneur de la Sainte-Vierge, dont le meilleur remportait un prix. Jacques commençait à grandir. Il n’y eut pas moyen de l’empêcher de courir. J’étais secrètement flatté qu’un de mes élèves se présentât à cette solennité ; mais je crus devoir tout faire pour l’en détourner. J’étais si loin de prévoir le bonheur qui nous arriva ! Jacques fut couronné ; c’est-à-dire que ses vers avaient été jugés les meilleurs et qu’il était le garçon le plus savant de la province ! Les années suivantes, il se remit sur les rangs, et, chaque année, il remporta de nouveaux prix, en sorte que mon élève, à moi, pauvre magister, fut bientôt connu dans les environs, et, qu’on venait de très-loin le visiter dans cette misérable maison que voici. C’était quelquefois des gens considérables, et nous eûmes l’honneur de recevoir jusqu’au supérieur du séminaire de Rouen. À cette heure, je ne pouvais plus suivre les compositions de Jacques : elles étaient devenues trop profondes pour moi. Je n’ai retenu que le nom de son dernier travail, qui s’appelait le Génie de Virgile, et qui fut cause que beaucoup de personnages le pressaient d’aller à Paris.

Mon enfant répugnait à me quitter ; mais, un beau matin, il reçut une lettre d’un libraire de Paris en personne, qui avait ouï parler de son ouvrage, et qui lui proposait les meilleures conditions, s’il voulait le lui porter. Jacques essayait de me cacher sa joie ; je crus voir son bonheur et sa gloire dans cette proposition, et l’engageai moi-même à partir ; je fis de grands efforts, certes, car il m’en coûtait beaucoup ; mais je fis taire mon amitié et toute sorte