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avec des « Ah ! monsieur ! » sans fin, et se glissa derrière lui sur la pointe du pied, en faisant signe à sa fille qui la suivit.

Ce n’était point un rêve. Elles trouvèrent planté devant le perron un bel et bon carrosse magnifiquement reluisant et armorié, dont le laquais, chapeau bas, leur déroula le marche-pied ; et madame Fressurey se trouva si douillettement juchée sur des coussins si frais et de couleur si tendre, qu’elle serra ses pieds et ramassa les plis de sa robe, de peur de les gâter.

Au même moment, un jeune homme mis avec recherche et plus laid qu’un singe, s’approcha de la portière et demanda la permission de les accompagner. Madame Fressurey rebondit sur le coussin à cet excès de galanterie, tant elle était loin, la bonne femme, de songer à refuser la proposition. M. le comte de Baffi prit place sur le devant, et dit d’abord qu’il avait craint, à la vue de ce mauvais temps, qu’une si charmante artiste pût s’enrhumer ; il partit de là pour s’extasier sur le goût exquis, l’expression divine de la cantatrice. Il connaissait Venise, Milan, Naples, Florence, et, à son avis, il n’y avait pas dans toute l’Italie une prima donna qui pût s’en tirer, non mieux, mais aussi bien ; puis il se confondait en fadeurs, en grands airs, en attentions ridicules. Il en dit assez pour démontrer solidement qu’il était le plus sot des hommes ; mais comment ne pas trouver d’esprit à un homme qui vous mène chez vous dans une voiture doublée de couleur chamois et toute passementée de torsades ?

En outre, M. le comte, qui n’avait pas quatre pieds de haut, faisait force grimaces et parlait le français comme