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role de l’acteur traduisent la note et aident au sens. C’est la différence du vers dans la bouche du tragédien au vers muet d’un manuscrit ; c’est mieux que cela, c’est une lettre morte que le chanteur vivifie. Mais la musique, dans sa nudité vague, et rendue par des instruments vainement sonores comme elle, je ne saurais lui trouver d’application, à moins qu’on ne distribue un programme explicatif, et alors, c’est un jeu puéril qui rappelle ces grossiers dessins où les commençants écrivent le nom d’un héros grec, de peur de méprise.

— Corbleu ! reprit Stranz, déjà tout enflammé, vous ne parlez là que de musique mal faite, ou vous insultez aux maîtres dont la pensée rayonne jusque dans la moindre note. Quoi ! la musique ne serait qu’un jargon, et le compositeur n’est pas plus inspiré qu’un chalumeau ! Aures habent et non videbunt !

M. Stranz était fort troublé.

— Je vous jouerai, ce soir, une symphonie expressive, sans programme, monsieur, sans programme. Je n’en veux pas dire seulement le titre ; et l’honorable compagnie me comprendra, et vous, monsieur, si vous êtes poète, vous me comprendrez aussi.

À ce soir ! sans programme, monsieur, sans programme !

Stranz s’en alla là-dessus.

Le prince me pria de l’excuser sur sa brusquerie, tout en me disant qu’il était homme à me donner tort et que je m’apprêtasse à une défaite.

Le soir, les pupitres étaient dressés dans la salle de bal. La compagnie, après souper, alla prendre place sur des sièges rangés en cercle. Le prince s’assit au milieu.