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— J’entends, interrompit Stranz, vous êtes tout simplement un homme de goût, et vous jugez la musique, indépendamment de la science, par le plaisir que vous y prenez. Cette manière a un faux air de bonhomie et de raison ; mais je vous dirai, moi, que c’est une triste chose pour les arts que de pareils juges. Tout le travail, toute la haute inspiration, tout ce qui fait l’art enfin, leur échappe, et n’existe point pour eux. Néanmoins, comme les esprits délicats sont rares, je m’estimerais heureux d’avoir un auditeur tel que vous : Vous devez sentir les effets poétiques de la musique. Je jouerai ce soir quelque chose à votre portée. Avez-vous bien saisi la symphonie pastorale de Beethoven ?

— Je dois vous prévenir, continuai-je humblement, que je manque encore de ce sens précieux des effets pittoresques en musique dont vous avez la bonté de me croire doué. Je n’ai jamais démêlé le rapport direct d’un triolet à un paysage, ni d’un point d’orgue à un soleil levant. Le haut-bois m’avertit tout au plus d’une scène champêtre et les fanfares du cor d’une chasse. Or, vous avouerez que ces moyens d’indication sont bornés dans un orchestre, surtout si l’on considère l’intarissable variété des spectacles de la nature. Je sais encore que la mollesse, la langueur des accords, exprime la tendresse, la douceur, le calme, et que le bruit, la hâte, le fracas, signifient la colère, la tempête, les mouvements tumultueux ; mais c’est là peu de chose encore en comparaison de l’étendue que les musiciens prétendent donner à leurs intentions. Que la musique soit expressive au théâtre, je le conçois, et, là, son expression ne m’échappe point ; le geste et la pa-