Page:Ourliac - Nouvelles.djvu/261

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de leur vallée ramenaient les vaches le soir. Cette musique faisait couler les larmes de l’oncle Scipion, qui se vit tout à coup transporté en esprit au milieu de ses belles montagnes ; mais il fut rappelé à la triste réalité par une de ces vives tranchées qui l’incommodaient depuis son arrivée à Paris. À peine en eut-il dit un mot, que frère Paul s’écria :

— Ouf ! nous sommes certainement empoisonnés, car dans ce moment même je sens comme un millier de bêtes qui me dévorent l’estomac. Le mal date-t-il de ce matin ou des jours précédents ? Je n’en puis plus. Allons consulter un médecin.

— Je le veux bien, dit l’oncle Scipion en tenant son ventre à deux mains.

— Ah ! reprenait frère Paul, j’ai bien peur, notre oncle, que nous ne laissions le meilleur de nos os dans ce malheureux pays.

Comme ils venaient de rentrer en ville, ils demandèrent le logis d’un bon médecin. Heureusement le docteur n’était point encore sorti.

Frère Paul prit la parole, et lui expliqua comme quoi, étant d’une santé robuste et bien portants d’ordinaire, ils étaient fort incommodés à Paris par leur nouveau régime alimentaire ; comme quoi, pour s’y soustraire, ils étaient allés déjeuner frugalement à la campagne, et s’en trouvaient pourtant pire que devant.

— Mais, dit le médecin, qu’avez-vous donc mangé à la campagne ?

— Une salade ! monsieur le docteur ; une salade que j’ai moi-même tirée de terre et fait proprement éplucher.