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poison, c’est tout un. Mais j’ai mon projet ; nous voici loin, cherchons quelque cabaret isolé, nous mangerons une salade. Je compte qu’ils n’auront pas perfectionné l’herbe des champs.

Sur ce, avisant un petit logis propret, accosté d’un courtil plaisant, ceint de claies vertes où s’épanchaient la vigne et le chèvrefeuille, frère Paul se jeta d’un saut dans le jardin, cueillit de ses mains une laitue, s’assurant bien qu’il la tirait de bonne terre.

— Cette fois, s’écria-t-il, nous mangerons des légumes comme Dieu les fait.

Et, entrant dans la maison :

— Tenez, la femme, vous allez nous éplucher bien proprement cette laitue et nous l’étaler gentiment dans un plat. Avez-vous du pain frais ? Et votre vin ? Je le soupçonne : quelque piquette franche ; mais nous y mettrons de l’eau. Dépêchez ; vous servirez le tout sans cérémonie, sous cette tonnelle.

Un pareil régal fut bientôt prêt, et nos gens, mis en appétit par l’exercice, l’air du matin et la vue joyeuse de la campagne, firent honneur au festin. Ils oublièrent même de mettre de l’eau dans le vin, qui n’était que du clairet fort aigre ; mais, selon frère Paul, ce goût naturel valait mieux que tous les vitriols de Dumarsouin. L’oncle Scipion avoua qu’il n’avait pas fait un meilleur repas depuis qu’il avait quitté la Savoie.

Quand ils eurent fini, ils demandèrent leur chemin à l’hôtesse, et s’en retournèrent gaîment. Frère Paul se trouva même de si belle humeur, qu’il supplia l’oncle Scipion de lui laisser siffler l’air de galoubet dont les pâtres