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Tout en causant, on entra dans la cour, où des bruits étourdissants mirent fin à la conversation, et l’on pénétra dans la maison, qui n’était plus qu’une seule et vaste enceinte.

Les voyageurs ne purent d’abord rien voir, aveuglés par les ténèbres, assourdis par le vacarme, étouffés par une fumée brûlante et fétide. Les grincements des machines, les coups sourds des marteaux, le grondement des rouleaux pesants, formaient une tempête infernale, et du fond de la caverne, au milieu des tourbillons de fumée, s’élançaient par intervalles des flammes éblouissantes.

— Notre oncle, s’écria frère Paul, nous allons sauter ! Hors d’ici ! nous cheminons comme là-bas.

Mais Dumarsouin les arrêta en éclatant de rire, et, s’étant peu à peu accoutumés à ces vapeurs suffocantes, ils commencèrent à distinguer les objets. À travers les rouages compliqués des machines, derrière ces noires pièces de fer et de bois, qui semblaient se mouvoir toutes seules comme des bêtes gigantesques, ils aperçurent enfin quelque apparence de formes humaines, des hommes, des femmes, des enfants à demi nus, suants, livides, et qu’on aurait pu confondre avec les ressorts informes qu’ils faisaient mouvoir. Leurs yeux caves brillaient à peine sur des faces dégradées, noircies de cendre et de charbon, et la sueur qui ruisselait de leurs membres étiques s’allait confondre avec l’huile qui graissait les rouages. Tous faisaient le même mouvement mécanique d’un air farouche et bestial, comme des animaux de ménagerie. Nul ne se détourna à la vue de la compagnie, et ils se donnaient en spectacle avec la stupide indifférence de ces idiots qu’on va voir