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— Que me donnez-vous là ? dit l’oncle Scipion.

— Ah ! dit le voyageur qui était près d’eux, vous vouliez peut-être du lait, du lait véritable, du lait de vache ?

— Eh quoi donc ! est-ce un lait de poule ?

— C’est qu’il n’est plus en usage de vendre du lait pur. Le plus souvent même on le fabrique, on le remplace par une composition de farine, d’eau, de blanc d’œuf et de cervelle de cheval.

L’oncle Scipion laissa tomber sa tasse en crachant avec effort ce qu’il avait pris.

— Je me trompe, dit le voyageur par égard, ce n’est peut-être que de la cervelle de mouton.

— Tenez, dit frère Paul, il faut aussi qu’on ait mis du cheval dans cette eau-de-vie, comme il n’y a qu’un cheval pour la boire.

Le voyageur la goûta du bout des lèvres, et reprit d’un air capable.

— Non, vous ne pouvez sentir là que les fortes épices qu’on y fait infuser avec du mauvais alcool pour brûler les entrailles des malheureux qui, comme vous tombent en défaillance à la suite de quelque accident. Je vois que vous êtes fort arriérés en ce qui touche l’industrie moderne.

— Notre oncle, s’écria frère Paul, retournons-nous-en traire nos vaches.

Mais l’oncle Scipion ne pouvait se décider, aux portes de Paris, à s’en retourner sans voir son neveu. Des voitures arrivèrent et transportèrent nos voyageurs jusque dans la ville. La vue des édifices et les mouvements d’un