Page:Ourliac - Nouvelles.djvu/242

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

quelques pas plus loin dans un champ de pommes de terre.

Pour suivre l’allusion de frère Paul au jeu de croix-pile, l’oncle Scipion étant tombé face, demeurait sur la place tout moulu et tout aplati. Bientôt des cris plaintifs s’élevèrent de toutes parts. La compagnie était gentiment répandue en plein champ comme beau semis de chrétiens, et les débris de la machine gisaient tout fumants pêle-mêle.

— Allons, cria le conducteur courant de l’un à l’autre, il n’y a pas grand mal ; nous n’avons perdu que sept hommes ; l’on en sera quitte pour des contusions, qui n’empêcheront pas de faire tranquillement le reste de la route à pied.

— Notre oncle, s’écria frère Paul, si vous avez conservé seulement l’usage de quelque membre, ne me refusez pas la joie de voir étrangler cet homme qui parle. C’est le vœu d’un mourant, chose sacrée, car assurément je n’en réchapperai pas.

Mais ni l’un ni l’autre n’aurait eu la force de faire ce qu’il disait. On les mit tous deux sur pied à grand’peine, et l’on ne remarqua même point, dans un tel désarroi, le mauvais état des chausses de frère Paul. Des gens des environs qui étaient accourus sur le lieu du désastre, s’étant émus de grande compassion pour les voyageurs, s’empressèrent de les secourir pour de l’argent. On offrit dans une maison voisine des cordiaux, des rafraîchissements. L’oncle Scipion demanda du lait, mais frère Paul pencha pour de l’eau-de-vie, et tous deux buvant en même temps, l’un fit la grimace et l’autre se serra la gorge.