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cause encore que, vingt ans après, madame Fressurey ne pouvait voir un de ces fruits sans tomber en pâmoison en disant : « Ah ! pauvre homme ! » Extrême sensibilité qui causa souvent des surprises dont le détail n’est point de ce sujet.

Madame Fressurey n’en fut pas moins établie, après la mort de son mari, dans une condition fort agréable.

Le revenu d’une somme de 50,000 livres suffisait à la faire vivre décemment, et le rang de M. Fressurey dans l’administration lui avait acquis d’honorables connaissances. Elle demeura liée avec les collègues de son époux ; elle voyait d’anciens voisins, petits commerçants retirés ; elle comptait même parmi ses amis un huissier retiré qui passait pour un homme riche.

Dans ce petit cercle, les enfants sautaient l’hiver au son du piano, car madame Fressurey fit apprendre le piano à sa fille. Il ne se passait point de fête, premier jour de l’an, mardi-gras, Noël et les Rois, qu’on ne s’invitât les uns les autres à manger quelque dindonneau ; enfin, pour l’ordinaire, Cécile, qui grandissait avec toutes sortes de grâces et de petits talents, dissipait les ennuis de sa mère.

Triste et dangereuse condition que celle d’une veuve et d’un enfant, fille ou garçon ! Je ne veux point dire de mal de madame Fressurey qui, sans doute, ne fournit jamais à son mari des sujets manifestes de mécontentement ; mais elle n’avait aucune des rares qualités qui peuvent mener à bien l’éducation d’une fille. Bien des femmes en vieillissant deviennent, faute de mieux, légères dans leurs propos ; leur fille en est la confidente ; tout respect se perd, et ces fatales plaisanteries ne laissent pas d’avoir des suites