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tonne de voir le bonhomme si maigre, si vieux, si changé en si peu de temps. M. Sorel se laisse aller à la joie de rencontrer enfin un compatriote, un ami ; il se met à causer, il raconte sa joie, son voyage, ce qu’il venait faire, en quel état il se trouve, et finit par pleurer.

Pelletier n’en revenait pas ; des gens qu’il avait vus si heureux ! il se sentit ému. « Et votre fille ! — Mon Dieu, la pauvre enfant fait ce qu’elle peut pour me donner du courage ; je lui cache le plus affreux de notre situation ; elle voudrait aussi travailler, s’employer, gagner de l’argent. Elle a quelque talent, elle peint, elle sait la musique ; mais qu’est-ce que cela ? Il faudrait s’informer, connaître du monde, et puis ma chère fille qui n’est jamais sortie de chez moi, comment la laisser aller toute seule dans une ville comme celle-ci ? — Hélas, mon cher M. Sorel, je ne suis qu’un pauvre diable aussi, mais je vous jure que votre position me touche au dernier point ; je verrai, je courrai, je ferai tout ce qui dépendra de moi ; prenez courage. Clémence sait la musique, dites-vous ; elle pourrait trouver des élèves. Eh ! tenez, il y a ici un homme qui pourrait vous être fort utile, qui placerait Clémence au Conservatoire ou qui lui trouverait une maison, des leçons, un homme qui serait peut-être content de vous revoir, un acteur de grande réputation. — Un acteur, dites-vous ? »

Pelletier ne voulait pas rappeler à M. Sorel cette soirée où il avait chassé Collinet de chez lui, de peur de le décourager à l’instant de la démarche qu’il lui proposait. « Oh ! vous ne vous souvenez pas de tout cela, vous. C’était un petit drôle qui arriva chez nous avec une troupe,