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même il plut de toutes parts une grêle de bouchons de paille, de pommes cuites et de tout ce qu’on trouva sous la main : Collinet se tordait sous les coups, battant l’air de ses bras.

Le tumulte était à son comble, les cris divers se fondaient en un horrible charivari. On demandait des excuses, on demandait la scène, on jurait, on menaçait ; les cannes roulaient sur le plancher comme le tonnerre. La moitié des quinquets était à bas, on commençait à briser les bancs, les femmes se cachaient le visage. Le commissaire s’était levé et ne pouvait se faire entendre. Collinet tout meurtri arpentait la scène comme un lion en cage. Enfin il se raidit, tord ses bras vers la salle, déchire sa veste, arrache sa perruque, son chapeau, son habit, tous ses oripeaux, en jette les lambeaux au parterre, s’essuie le visage, s’approche tremblant ; il s’élève un cri d’indignation, on écoute ; il suffoque, et s’écrie d’une voix étouffée : « Lâches !… monstres !… misérables !… » et disparaît.

Le parterre s’était levé ; on allait escalader la rampe ; mais le commissaire sut se faire entendre ; sa colère s’était tournée contre l’acteur, il promit solennellement qu’il serait fait réparation et donna sur-le-champ des ordres pour qu’on arrêtât Collinet. Il ne fallut pas moins pour apaiser la foule qui s’écoula toute bouillante encore de l’algarade. Quant à Clémence, la pauvre fille avait pleuré durant toute cette scène, le front penché sur le bord de la loge.

Les gendarmes se présentèrent aux entrées particulières du théâtre ; mais Collinet s’était échappé ; il avait disparu à demi vêtu, avec ses bas rembourrés et sa culotte de