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mence ; s’il jouait mal, la pièce manquait, il était sifflé, insulté sous ses yeux, et cette extrémité valait bien l’autre ; et d’ailleurs, n’était-ce pas assez de paraître en public, sur des tréteaux, dans l’avilissement de son costume ? Il se décida pour sa première idée d’emporter le succès et de désarmer Clémence en la forçant de rire et d’admirer. Il ne s’agissait que d’en trouver la force, car il tremblait et frissonnait malgré lui, comme un homme qu’on mène au supplice.

Cependant le parterre hurlait, il fallait commencer ; on frappa les trois coups. Collinet entendit un bruit formidable partir de la salle et de l’orchestre. Il ne paraissait qu’à la troisième scène. Le rideau se leva.

Les acteurs firent leur entrée et entamèrent l’exposition, mais on ne les écoutait qu’avec distraction. On attendait Collinet, on s’apprêtait à rire. Enfin le moment arriva ; la réplique expirait, et Collinet ne parut pas. L’entrée allait être manquée ; le public grondait ; Collinet était adossé derrière la coulisse, et murmurait entre ses dents : « Je ne puis… je me trouve mal. » Il n’y avait plus de temps à perdre ; on le poussa sur le théâtre.

Dès qu’il parut, il se fit une explosion de grosse joie qui dura quelques secondes ; on le salua de trois salves d’applaudissements ; on riait du costume, de la mine, et les rires ne s’arrêtaient pas.

Jocrisse commençait par une vive apostrophe à son maître ; Collinet n’y voyait pas clair, et sa langue restait collée au palais. Il jeta comme il put sa phrase d’une voix étouffée et entrecoupant chaque mot. Il n’eut pas plutôt commencé, que la salle éclata de nouveau ; on prit cet