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salle s’emplissait peu à peu. Lefébure et les siens, en habitués qu’ils étaient, trouvèrent moyen de s’introduire dans les coulisses. Les acteurs allaient s’habiller. Collinet se promenait derrière les toiles de fond, où l’on ne voyait pas clair. Le régisseur l’avait appelé trois fois ; enfin la voix du garçon de théâtre le tira de sa rêverie, et, comme il traversait les coulisses, quelqu’un lui frappa sur l’épaule ; c’était Pelletier. Celui-ci l’aborda avec la cordialité accoutumée, un peu aiguisée de malice, et lui demanda si c’était bien le soir même qu’on représentait la Résurrection de Jocrisse. Collinet fit un signe de tête. Pelletier s’en montra ravi, le félicita, puis, comme par hasard : « À propos, tu ne sais pas, mon cher, une chose singulière ? Clémence est venue au théâtre avec son père. La pièce a fait du bruit. Elle a voulu te voir. Heureux drôle ! tu la feras bien rire ; les femmes aiment cela. »

Un décor qu’on portait les sépara. Collinet courut au trou du rideau. Pelletier l’y suivit, et lui montra fort distinctement, sur le devant d’une loge, Clémence et son père avec une autre personne dans le fond. Collinet n’eut pas la force de dire un mot. Le régisseur le tenait par le bras et l’entraîna. Pelletier se remit à papillonner autour des comédiennes.

Le premier comique reparut, égaré et toujours poussé par le régisseur dans la salle basse où s’habillaient les acteurs, et que l’on appelait le foyer. Il y avait bien un bouge en manière de loge pour chaque artiste dans les caves et les corridors du théâtre, mais ces réduits demeuraient vides et ouverts à tous les vents, pendant dix mois de l’année où il n’y avait point de troupe ; l’humidité y