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promenait çà et là, les poings serrés, interrogeant chaque visage. On avait surpris, volé, intercepté sa lettre ; mais à qui s’en prendre ? qui avait fait le coup ? qui saisir à la gorge ? Ils riaient et parlaient à la fois, la chose était publique. Il pensa se jeter sur le premier venu pour lui arracher le mot de cette horrible trame ; mais il était seul, et ils étaient vingt. Il essaya de grimacer quelque défaite, il n’en eut pas le courage. Un moment les larmes lui vinrent aux yeux ; il les retint par un effort suprême, et les déroba sous un sourire. Il s’approcha de Pelletier ; Pelletier le repoussa comme les autres. Il s’assit alors, et supporta les huées une grande heure, en songeant que le temps lui découvrirait tout.

Le soir, après dîner, et tout gaillards encore des joies du matin, Pelletier et Lefébure se rendirent de compagnie chez M. Sorel. La scène de l’autre jour était oubliée. Ils mirent d’abord la nouvelle comédie sur le tapis, la vantèrent comme il fallait, et proposèrent au bonhomme de l’aller voir avec sa fille. Ses raisons étaient prévues : ils avaient loué une loge qu’on lui offrit comme celle d’un ami. Cette occasion ébranla le vieillard. Clémence ne disait rien, mais elle se mourait d’envie qu’il acceptât. Elle avait souvent songé à ce moyen de revoir cet étrange jeune homme qui jouait la comédie. On lui demanda son avis ; elle répondit que oui bien doucement, et M. Sorel répliqua de son côté que, si cela convenait à sa fille, il y consentirait volontiers. Les jeunes gens laissèrent le coupon de la loge avec force indications, et se retirèrent fort curieux du résultat.

À six heures il y avait foule à la porte du théâtre. La